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Hommage à Marc Bessin

Marc Bessin

Marc Bessin est décédé le 05 septembre 2023

Avec son bac en poche obtenu au lycée de Saint Lô, Marc Bessin arrive à l’Université de Vincennes – Saint Denis en 1982. A 17 ans, il est porté par une vocation militante, une quête de justice qu’il cultive alors au sein de la Ligue communiste révolutionnaire. Marc s’inscrit dans un IUT pour y faire un DUT d’Hygiène et sécurité au travail. Une année plus tard, il commence un cursus complet de sociologie qui le conduira jusqu’à sa thèse soutenue en 1993 sous la direction de Pierre Lantz et devant un jury composé par Robert Castel, Jacques Commaille et Claude Dubar : Cours de vie et flexibilité temporelle. La crise des seuils d’âge : service militaire, majorité juridique.

Comme tant d’autres jeunes, Marc saisit la porte que lui offre l’université. Les lignes de force qui vont conduire sa vie intellectuelle et politique semblent tracées quand on observe le passage de sa formation en ergonomie du travail à la définition de son sujet de thèse.

En 1995, il rentre au CNRS, affecté dans un premier temps au Groupe de recherche sur la socialisation à Lyon ; il intègre le CEMS sur la suggestion d’Antoinette Chauvenet à partir de 1999 où il travaillera pendant dix ans. Il se rapproche des équipes de Robert Castel qui y anime un groupe de travail sur le salariat et qui évolue vers la problématique de l’individu et des nouvelles dynamiques d’individuation. Marc Bessin y joue un rôle essentiel dans l’intégration de toute une série de problématiques portées par les jeunes étudiants qui déplacent le regard désormais non seulement centré sur la relation salarié – État social. Questionnant la relation individu – institutions publiques, l’interrogation devient plus ouverte et plus complexe. Sorti en 2008 du CEMS en compagnie d’un groupe composé d’Antoinette Chauvenet, Nicole Diederich, Rose Marie Lagrave, Michèle Leclerc Olive, Denis Merklen et Monique de Saint-Martin, il intègre le jeune IRIS dont il prendra la direction de 2011 à 2015. Les horizons se diversifient sans que les liens cassent. En même temps, il donne à l’EHESS un séminaire avec R. Castel et D. Merklen sur le thème « Individu mobile et protection sociale » dans la chaire de Castel jusqu’à son décès en 2013.

Temporalités, prison, genre, care, rapport entre les âges, parcours biographiques avec des bifurcations… les thèmes ont été vite trouvés, dès sa thèse à Paris 8. Marc Bessin aura construit une « sociologie de la présence » qui a marqué des générations d’étudiants et de chercheurs dans une bataille humaniste ininterrompue et clairement orientée par le souci de l’autre. Au printemps 2023, déjà malade, il est l’un des organisateurs, avec Jean-François Laé, Claude Martin, Luigi Quarta et Denis Merklen d’un colloque international d’hommage à Robert Castel dont il aura été l’un plus créatifs disciples. Dans la même période il est élu directeur d’études cumulant à l’EHESS où il propose une chaire Sociologie des temporalités. Enquêter sur les présences sociales.

On pourrait évoquer ici la recherche à travers l’œuvre qu’il laisse riche de plusieurs ouvrages, numéros de revue et des dizaines d’articles et chapitres. Nous verrions qu’il l’a bâtie sur la base d’une infatigable énergie déployée à tisser du collectif. Le care, le souci de l’autre, a chez Marc Bessin une dimension pratique et théorique menées avec un admirable soin de les tenir ensemble. Ainsi, on se souviendra longtemps de son combat permanent pour considérer les jeunes comme des « étudiants-chercheurs », il s’agissait, aussi simplement que clairement, d’une critique des hiérarchies qui habitent nos institutions, d’une forte volonté de leur ouvrir des portes et de leur proposer des chaises dans toutes les instances.

Denis Merklen

Paris, septembre 2023

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