Axe 3. Travail, technologies, économies

Chercheur·e·s statutaires et émérites impliqué·e·s : Marine Al Dahdah, Valérie Beaudouin, Vincent-Arnaud Chappe, Ève Chiapello, Laura Centemeri, Alain Cottereau, Monique Dagnaud, Nicolas Dodier, Vera Ehrenstein, Geneviève Pruvost (co-coordinatrice de l’axe), Catherine Rémy, Claude Rosental (co-coordinateur de l’axe), Sezin Topçu, Isabelle Ville.

Doctorant·e·s et jeunes docteur·e· impliqué·e·s : Mehdi Arfaoui, Laura Chartrain, Martin Chevalier, Camille Girard-Chanudet, Marie Ghis-Malfilatre, Benjamin Gizard, Fanny Hugues, Ilias Naji, Maël Roland, Virginia Santili, Vic Sessego, Océane Sipan, Antonin Thyrard

La création de ce nouvel axe du laboratoire a été actée lors du “séminaire au vert” des statutaires du laboratoire de septembre 2019. Il remplace le GT “Socio-économie, ethnocomptabilité, anthropologie de l’évaluation”, et est reconfiguré pour accueillir les initiatives menées autour des sciences et des techniques. Celles-ci s’étaient développées au CEMS au point de constituer un nouveau GT “Sciences, Technologies, Instruments”.

Les recherches menées dans le cadre de l’axe 3 “Travail, technologies, économies” peuvent être rassemblées en trois sous-ensembles qui se recoupent partiellement.

Un premier volet concerne les enquêtes sur la valuation. Certains travaux portent notamment sur la valuation de l’environnement. Le mouvement transnational de la permaculture, cet art de réhabiter (titre du livre de Laura Centemeri paru en 2019), et les filières agroalimentaires alternatives sont ainsi étudiés au prisme des pratiques de valuation de l’environnement qu’ils promeuvent, des modalités de leur incorporation dans des techniques et des logiques d’organisation, ainsi que de leur circulation. Laura Centemeri suit le terrain des modes alternatifs d’“attribution de la valeur” par des entrepreneur·e·s qui refusent le productivisme et le mercantilisme dominants. L’étude croisée des pratiques de valuation, des discours de mise en valeur et des imaginaires socio-techniques de la valeur de l’environnement est appliquée à l’analyse des transformations du mouvement écologiste, depuis les années 1970 (Laura Centemeri sur l’Italie). Les nouveaux modes de vie écologiques sont également analysés à l’aune du travail de valuation qu’ils engagent, et saisis en particulier à partir de méthodes ethno-comptables (Geneviève Pruvost et Fanny Hughes). Geneviève Pruvost creuse sa perspective de la “politisation du moindre geste” de la vie quotidienne, du renouvellement des formes d’action par le “faire” et de la mise en place de formes horizontales d’auto-organisation, et suit, par ailleurs, la vie d’“alternatifs du quotidien” en zone rurale. Elle cible particulièrement les pratiques écoféministes sur lesquelles elle a coordonné un numéro de Travail, genre, et sociétés avec Marlène Benquet. La valuation de l’environnement est en outre étudiée au travers de la mise en place de produits financiers dits “verts” (Ève Chiapello). Plus largement, certaines enquêtes portent sur les modes de valuation liés à la financiarisation de l’économie et aux outils qui l’accompagnent, dans le champ des politiques publiques (Ève Chiapello), des politiques d’entreprise relatives à la lutte contre les discriminations (Vincent-Arnaud Chappe), des politiques agro-alimentaires (Laura Centemeri), de l’environnement (Geneviève Pruvost) comme du développement (Marine Al Dahdah). Des investigations sont également menées sur les pratiques d’évaluation et de mise en valeur des activités de recherche et des technologies, qui se traduisent notamment par le recours à diverses formes de “démonstration publique” : Claude Rosental (axe 2) vient de sortir le premier tome d’une série consacrée à cet objet qu’il façonne depuis des années : La société de démonstration (2019) (traduction à paraître au MIT Press).

Un deuxième volet de cet axe de recherche a trait aux investigations menées sur les instruments, les technologies et les dispositifs. Une partie des travaux portent sur les NTIC. Certains d’entre eux analysent la mutation anthropologique introduite par la société en réseaux (Monique Dagnaud), alors que d’autres explorent les processus de déploiement de technologies numériques dans l’hémisphère sud, en particulier dans certaines régions d’Inde et d’Afrique subsaharienne, et analysent les formes d’appropriation et les résistances qu’elles génèrent (Marine Al Dahdah). D’autres enquêtes explorent les pratiques du marketing technologique et étudient comment sont élaborées, promues et vendues diverses technologies, en particulier dans le domaine du digital (Claude Rosental, Marine Al Dahdah). Des recherches sont également menées dans le domaine de la santé et de la techno-bio-médecine. Certaines d’entre elles portent sur les pratiques de gynécologie obstétrique impliquant des équipements technologiques et des produits pharmaceutiques toujours plus conséquents, et sur les oppositions qu’elles suscitent – Sezin Topçu coordonne un ouvrage collectif Reproduction, Sexuality, Maternity : Politics of the Female Body in Contemporary Turkey (chez J. B. Tauris, à Londres), dans la continuité de l’ANR “Hypmedpro” qu’elle coordonne, qui a suivi les trajectoires des techniques et pratiques (césarienne, épisiotomie, péridurale) et les critiques qui leur sont adressées dans trois contextes nationaux (France, Brésil, Turquie). D’autres portent sur les pratiques du diagnostic prénatal dans la prévention des handicaps, les tensions et les ajustements entre performances techniques, standardisation des pratiques et relations cliniques ; entre globalisation des outils et des formations et régulations locales des pratiques, notamment au Brésil où l’avortement reste illégal (Isabelle Ville). D’autres travaux, enfin, développent des théories relatives à la notion de dispositif pour saisir les modalités de gestion à différentes échelles de grands scandales sanitaires (Janine Barbot, Nicolas Dodier). On peut également évoquer les recherches menées sur la diffusion dans tous les secteurs de l’économie d’outils “financiarisés”, c’est-à-dire des instruments qui reposent conceptuellement et techniquement sur le corpus techno-scientifique de la finance moderne (Ève Chiapello), sur le poids (et la régulation) dans la gestion du personnel des systèmes d’information RH des entreprises (Vincent-Arnaud Chappe, pré-projet ANR accepté), ainsi que sur le développement de nouvelles formes de bureaux censées faciliter la mobilité et le travail par projet (Vincent-Arnaud Chappe).

Enfin, un troisième volet de cet axe de recherche porte sur les politiques des sciences et des techniques. On peut mentionner les recherches qui portent sur la façon dont la logique a joué un rôle de marqueur anthropologique, de sélection sociale, et de standardisation intellectuelle sur le long terme, contribuant notamment à l’élaboration de la notion de “mentalité primitive”, dont les conséquences sociales et politiques peuvent être analysées tout au long du XXe siècle (Claude Rosental). D’autres recherches explorent les formes de gouvernement des innovations techniques et médicales controversées, comme celles liées aux infrastructures nucléaires et aux technologies reproductives, en s’intéressant en particulier aux dynamiques de normalisation et de contestation qui les caractérisent (Sezin Topçu). Certains travaux portent sur les politiques digitales de développement, et étudient comment les produits des industriels du numérique sont utilisés comme des instruments de gouvernement et comme des outils géopolitiques qui modèlent l’image des Suds à l’international (Marine Al Dahdah). D’autres travaux encore cherchent à saisir comment les formats financiarisés incorporent certaines critiques du capitalisme qui sont alors intégrées à ses modes de fonctionnement (Ève Chiapello). On peut également évoquer différentes investigations portant sur les techniques (permaculture, sobriété, etc.) qui animent le développement de nouveaux modèles d’écologie politique (Laura Centemeri, Geneviève Pruvost) ainsi que sur la façon dont les sciences sociales et leurs dispositifs de mesure alimentent les pratiques de lutte contre les discriminations (Vincent-Arnaud Chappe).

Enfin, Clémence Schantz (post-doctorante) participe également aux activités de cet axe. Elle vient de rejoindre le CEMS avec un projet de post-doctorat sur “un projet japonais de dé-médicalisation de l’accouchement au Bénin”.

Cet axe accueille également plusieurs doctorant·e·s travaillant sur des instruments et des techniques outillant diverses politiques publiques (de logement, de santé, de développement, de protection sociale, de protection de la biodiversité), sur des alternatives écologiques, et des technoproduits comme les crypto-monnaies, les robots, les technologies reproductives, ou l’intelligence artificielle.

Autour d’Ève Chiapello : Camille Rivière (instruments de marché et politiques de biodiversité), Virginia Santilli (transformation des modèles économiques du logement social), Ilias Naji (retraites en France depuis les années 1970), Océane Ronal (capital-investissement et développement), Maël Rolland (économie politique des crypto monnaies), Antonin Thyrard (rôles de l’évaluation des politiques publiques dans la programmation des fonds structurels européens). Autour de Claude Rosental : Martin Chevallier (robotique sociale et notamment d’assistance médicale), Fanny Hugues (techniques pour vivre de peu en zone rurale). Autour d’Isabelle Ville : Aleksandra Endaltseva (associations de patients en Russie). Avec Sezin Topçu : Masatoshi Inoue (réception des catastrophes atomiques en France). Avec Janine Barbot : Nadège Draperi (reconfiguration des expériences de soin).

Un cycle de lunch seminar ouvert est organisé par cet axe tout au long de l’année. Invités de l’année 2019-2020 : Grégoire Mallard (Graduate Institute de Genève), Sezin Topçu (CEMS), Isabelle Ville (CEMS), Pierre Penet (IEA Paris), Julie Blanck (ENS Paris), Alvaro Santana-Acuna (Whitman College).

Cet axe envisage donc une grande variété d’infrastructures (matérielles, financières, juridiques, statistiques, numériques, de protection sociale, etc.) et considère un panel élargi de technosciences concernant les domaines de l’énergie, de l’environnement, de la santé, de l’informatique, de la finance, ou encore du traitement des données. Les questions économiques traversent les questionnements, qu’il s’agisse de replacer ces développements dans des logiques économiques particulières, d’envisager les opérations de valuation et d’évaluation, de prise en charge par la gestion d’entreprise, de financement, d’investissement, de fabrication de marché et de marchandises, ou encore d’interroger les modalités de production, de reproduction, de gestion, de captation ou de prédation.


♦ Axe 1. Histoires, théories et pratiques de l’enquête.

♦ Axe 2. Mobilisations collectives et problèmes publics.

♦ Axe 4. Risques, violences et réparation.