Pragmatisme, Concepts et Pratiques : Traditions, Usages, Nouveaux Défis

École thématique coordonnée par Mathias GIrel (CAPHES ENS Ulm et République des savoirs)

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Laboratoires impliqués (notamment) : 

• UMR 8097 Centre Maurice Halbwachs
• UMR 8044 CEMS
• UMR 8183 CESDIP
• UMS 3610 CAPHES ENS Ulm
• USR 3608 République des savoirs, ENS Paris, Collège de France
• UMR Triangle
• GSPR EHESS
• UMR 9217 i3 CSI Mines Paris
• EA 3932 SOPHIAPOL 
• Équipe CRESSON
• IRG (EA 2354)
• UR 4187 IRPhiL (Institut de Recherches Philosophiques de Lyon)

Comité d’organisation : 

• Alexandra Bidet (CNRS/CMH)
• Manuel Boutet (Université Côte d’Azur / GREDEG)
• Daniel Cefaï (DE, EHESS)
• Eva Debray (SOPHIAPOL/LIS)
• Carole Gayet-Viaud (CNRS-CESDIP)
• Mathias Girel (DU UAR CAPHES, ENS-PSL)
• Stéphane Madelrieux (IRPHIL)
• Alvin Panjeta (UPEC)
• Cristina Popescu (CEMS, EHESS et Université de Bielefeld)
• Perrine Poupin (CRESSON)

Objectifs scientifiques de l’école.

L’objectif principal est de former des enseignants-chercheurs et professionnels de domaines variés aux approches pragmatistes en rassemblant et en faisant dialoguer des chercheurs de disciplines, de sensibilités théoriques et de perspectives politiques variées, qui ont en conséquence des lectures différentes des apports du pragmatisme au renouvellement des formes de l’enquête, philosophique et sociologique, sur la réalité sociale. Nous avons pu mesurer, à l’aune des écoles thématiques précédentes, l’effet durable de telles interactions sur les pratiques de recherche des participants.

Il s’agira pour cette session de ce recentrer sur un problème « mitoyen » aux approches philosophiques et autres approches des SHS, la question de la description des pratiques, autour du titre "concepts et pratiques". Comment les concepts pragmatistes renouvellent-ils le rapport à l’enquête empirique ? Réciproquement, comment les transformations du monde social documentées par l’enquête se répercutent-elles dans le travail conceptuel ?

Un enjeu crucial, et double, est : (1) de viser l’opérationnalisation des hypothèses et des concepts pragmatistes (le pragmatisme est à l’origine un courant philosophique) en sciences sociales, juridiques, économiques et politiques, en sciences de la gestion et de l’administration et pour des disciplines directement orientées vers la pratique comme le travail social, (2) de permettre une révision (une « reconstruction », Dewey) et une mise à l’épreuve des concepts à l’aune de ces terrains. 

Objectifs de formation

Un objet majeur est de favoriser les connexions entre recherche généraliste et recherche appliquée, entre enquête philosophique et enquête empirique, enfin entre monde de la recherche et différentes expériences dans la société civile ou dans l’administration publique. 

On peut donner cinq grands exemples : 

• La réflexion sur l’expertise et la mobilisation de savoirs experts, dans le cadre par exemple de politiques publiques ou encore de l’élaboration de cadres réglementaires, a été récemment irriguée par la mobilisation de ressources pragmatistes 
• La recherche pragmatiste sur la culture morale et politique, sur les valeurs et le sens du juste a des conséquences fortes en matière de conception des relations dans la salle de classe en éducation, de conception des dynamiques d’engagement civique et militant, mais aussi déviant, ainsi que de mise en perspective des politiques publiques ciblant les problèmes qui s’y rapportent (incivilités, violences sexistes, harcèlement, désobéissances, etc).
• La sociologie des problèmes publics, développée dans une perspective pragmatiste depuis les années 1990, recoupée avec une sociologie de l’action publique, est la conséquence directe d’un croisement entre les travaux de John Dewey et une tradition d’enquête en sciences sociales à Chicago.
• L’histoire du pragmatisme est directement liée à l’invention du travail social, en particulier à Chicago (autour de Jane Addams), à Boston (autour d’étudiantes de William James ou Josiah Royce) ou à New York (autour d’E.C.Lindeman, proche de Dewey et Follett) – cette histoire est aujourd’hui redécouverte par une génération de jeunes travailleurs sociaux et travailleurs de rue.
• La théorie de l’enquête a encore des implications dans la réflexion sur la presse et les médias (Robert E. Park), en économie (où des chercheurs réactivent les hypothèses de Veblen ou Commons) ou en droit (autour du réalisme juridique et de ses conséquences pour le courant Law & Society).

Le dispositif pédagogique de l’école thématique « Pragma » vise à renforcer l’étude de ces implications pratiques et à sensibiliser des chercheurs dans ces différents domaines.

Qui peut candidater ?

Cette école thématique s’adresse aux chercheurs CNRS (juniors et seniors), enseignants- chercheurs et doctorants en sciences sociales, économiques et politiques, ainsi qu’en histoire, gestion, travail social, arts plastiques et administration publique. Nous souhaitons aussi encourager les personnels scientifiques d’autres institutions et les praticiens de tous les domaines concernés par l’héritage pragmatiste à candidater.

Il importe d’avoir une forme d’intérêt pour l’une ou l’autre version du pragmatisme, et il est bien sûr préférable d’avoir lu les classiques, même si primeront les usages empiriques qui en sont faits. Les présentations s’efforceront d’être accessibles et formulées en termes simples, de façon à inclure le plus grand nombre. Mais l’école thématique s’adresse davantage à des chercheurs et chercheuses tourné(e)s vers l’enquête empirique et la pratique qu’à des philosophes au sens classique du terme.

Les conférenciers mettront à disposition le matériel pédagogique, auquel les participants pourront accéder à l’avance.

Grands axes du programme  

Cette école thématique s’inscrit dans une dynamique de diffusion de démarches et résultats de recherche inspirés, d’une façon ou d’une autre, par le pragmatisme. Par-là, nous entendons avant tout le courant de philosophie qui s’est développé aux États-Unis à cheval entre la fin du XIXème et le début du XXème siècle, dont les représentants les plus connus sont C. S. Peirce, W. James, J. Dewey et G. H. Mead. Ces travaux ont eu une postérité importante non seulement en philosophie mais également dans les sciences sociales, que ce soit en sociologie, en droit, en théorie politique ou en histoire. Au cours des trois dernières décennies, c’est surtout en France qu’une réflexion autour des SHS qui se réclament du pragmatisme semble s’être mise en place, notamment en sociologie, comme en témoignent de nombreuses publications. 

L’école thématique Pragma consistera en une semaine de formation avancée pour les étudiants et chercheurs en sciences sociales et en philosophie notamment souhaitant approfondir leurs usages et leurs mises à l’épreuve empirique de cette tradition de pensée. Elle entend explorer les différents défis représentés à la fois (1) par le fait de prendre les pratiques pour objet, et (2), ce qui n’est pas la même chose car de nombreux courants ont théorisé les pratiques, d’avoir une perspective pragmatiste sur ces pratiques. Il s’agira de montrer la pertinence de ce corpus, dans la diversité de ses perspectives et de ses déclinaisons en sociologie, science politique, droit, économie, linguistique et histoire, et d’examiner les usages et mobilisations dans des enquêtes empiriques — dont ce type de démarche permet d’interroger le sens. 

L’école thématique Pragma a toujours été articulée (2015, 2017 et 2019) autour de trois axes : un axe historique, un axe théorique et un axe empirique. 

• L’axe historique vise cette fois à explorer l’émergence des pratiques comme objets d’études, par distinction avec l’action et les interactions, et les catégories développées pour penser la pratique qui ont été inventées et développées par les pères fondateurs/ mères fondatrices de ce mouvement : John Dewey et George H. Mead, mais aussi Charles S. Peirce et William James, Jane Addams et Mary P. Follett, Thorstein Veblen ou John Commons, Oliver W. Holmes, Roscoe Pound ou Karl LLewellyn… 
• L’axe théorique se concentre plutôt sur les usages contemporains du pragmatisme, sur certaines des formes de son appropriation, sur les transformations subies par ces concepts (geste, conduite, comportement, action, acte social) du fait des évolutions théoriques et disciplinaires. La question est là de réexaminer hypothèses et catégories du point de vue de leur reprise par un certain nombre d’autres enquêtes et de leur actualité, par exemple, pour une réflexion sur les mobilisations collectives, sur les processus économiques ou sur les controverses scientifiques, sur les revendications en droit ou sur la création de commons. 
• L’axe empirique, dominant cette fois ci, vise à rendre compte des enquêtes ayant mis en œuvre ou à l’épreuve des catégories ou des hypothèses provenant du pragmatisme et qui en renouvellent la portée de façon imaginative – parfois, en perdant de vue cette matrice (comme c’est le cas de la sociologie et de l’histoire des problèmes publics, du courant Law & Society et du réalisme juridique, de certaines formes d’économie institutionnaliste ou de modèles de démocratie coopérative, participative ou délibérative). 

L’école thématique Pragma, version 2023 explore donc, via le thème structurant de la description des pratiques, une série de problèmes communs à l’ensemble de ces disciplines des SHS et selon les trois axes mentionnés.

Plusieurs enquêtes seront privilégiées en ce sens, qui mobilisent différents pans ou héritages de la tradition pragmatiste. Le programme envisagé, qui sera actualisé, comprend les thématiques suivantes: 

1. Écologie humaine/ pratiques de civilité et de civisme dans l’espace public urbain 
2. Le travail comme activité pratique 
3. Problèmes publics, mobilisations collectives
4. La portée politique des controverses et des institutions (sur le rapport science/politique)
5. Catégories du pragmatisme