Interview Albert Ogien Dilemas

A sociologia do conhecimento em ação: Do interacionismo realista à análise pragmática da ação coletiva
Entrevista com Albert Ogien

Neiva Vieira da Cunha (Universidade do Estado do Rio de Janeiro, Rio de Janeiro, RJ, Brasil)

Agripa Faria Alexandre (Universidade Federal de Santa Catarina, Florianópolis, SC, Brasil)

Cesar Pinheiro Teixeira (Universidade de Vila Velha, Vila Velha, ES, Brasil / Universidade Federal do Rio de Janeiro, Rio de Janeiro, RJ, Brasil)

Neiva Vieira da Cunha : Cher Albert, vous vous présentez comme sociologue, mais après votre formation, vous avez d’abord effectué des recherches dans le domaine de l’anthropologie sociale. Nous aimerions que vous nous présentiez votre formation professionnelle et l’expérience qui vous a mené du domaine de l’anthropologie à celui de la sociologie.

Albert Ogien : Mes années de formation ont eu lieu à la faculté de Vincennes (devenue aujourd’hui Paris VIII), à la fois en sociologie et en anthropologie sociale, sous la direction de Pierre Philippe Rey, un anthropologue marxiste. Revenant d’un voyage en Afrique de l’Ouest, j’avais décidé de devenir africaniste. J’ai consacré mon mémoire de master à l’organisation politique et militaire de l’Empire Zoulou à la fin du XIXe siècle en Afrique du Sud. Puis je me suis engagé dans une thèse de doctorat sur l’apartheid en Afrique du Sud, en passant deux années à Londres (en 1978 et 1979). C’est là que j’ai découvert les travaux de l’anthropologie sociale de l’école de Manchester (Gluckman, Falk-Moore) et leur proximité avec la sociologie interactionniste américaine (en particulier Erving Goffman). Ma recherche portait sur la manière dont un système légal de ségrégation raciale généralisé – celui de l’apartheid – pouvait fonctionner au quotidien dans un pays développé et urbanisé comme l’Afrique du Sud où les populations sont en interaction constante dans les villes comme dans les entreprises. Je suis donc parti en Afrique du Sud faire une courte enquête de terrain. J’y ai observé l’impossibilité dans laquelle un tel système se trouvait de concrétiser son projet consistant à imposer une séparation totale des populations selon une classification officielle entre Blancs, Noirs et Métis.

Les aléas de la vie universitaire ont fait que j’ai dû abandonner cette thèse et que je me suis engagé dans une recherche sur un tout autre sujet : la psychiatrie et la prise en charge de la maladie mentale. Pendant deux années, j’ai fait une enquête de terrain dans un hôpital psychiatrique en Belgique. C’est à l’occasion de ce travail que j’ai lu les travaux de Garfinkel sur la psychiatrie et que la fusion des méthodes de l’anthropologie sociale, de la sociologie interactionniste et de l’ethnométhodologie s’est façonnée pour devenir ce que j’ai appelé une “sociologie analytique”.

J’ai éprouvé cette démarche en appliquant la notion d’affiliation – que j’avais utilisée pour étudier les relations interethniques en Afrique du Sud pour échapper à une conception de l’identité essentialiste (on fait partie d’une communauté parce que l’on en possède la culture) ou déterministe (cette appartenance façonne les comportements individuels de façon inconsciente) – au contexte de l’intervention en psychiatrie. La notion d’affiliation permet en effet de penser la question de l’appartenance à un groupe social de façon dynamique et pluraliste, c’est-à-dire en la considérant comme un engagement conditionnel de la part de la personne qui l’endosse durant le temps d’une interaction. C’est de cette façon que j’ai analysé la manière dont les échanges quotidiens entre médecins, infirmiers et malades dans le cadre de l’hôpital psychiatrique constituent l’univers pratique de l’intervention en psychiatrie – ce cadre dont toutes les personnes qui y participent connaissent les règles de fonctionnement et contribuent à la reconduction de leur pertinence. Après cinq années d’enquêtes de terrain dans ce domaine, j’ai proposé à Robert Castel – spécialiste reconnu de la sociologie de la psychiatrie – de diriger une thèse de doctorat sur ce sujet, ce qu’il a immédiatement accepté, bien que ma démarche était à l’opposé de la sienne. Cette thèse (Positivité de la pratique. L’intervention en psychiatrie comme argumentation) a été soutenue en 1984, publiée en 1989 sous le titre : Le raisonnement psychiatrique. En 1991, j’ai été nommé chargé de recherche au CNRS au Centre d’étude des mouvements sociaux, dirigé par Robert Castel à l’EHESS. J’ai ensuite été nommé directeur de recherche en 2002 ; et, en 2010, j’ai pris la succession de Castel à la tête de ce laboratoire. De cette longue période de formation, j’ai tiré un ouvrage de théorie et de méthode sociologique : Sociologie de la déviance (qui connaît aujourd’hui sa cinquième édition en France).

N. V. da C. : Vos recherches ont également porté sur le champ de la sociologie des savoirs en action, la sociologie de l’action et l’analyse des politiques de santé. Comment se sont déroulées ces expériences de recherche ? Et comment ont-elles contribué au développement de vos approches théoriques et analytiques ?

A. O. : Mes années de formation et de pratique d’enquête croisant anthropologie sociale, sociologie interactionniste et ethnométhodologie m’ont conduit à suivre une recommandation : envisager le travail théorique comme une partie intégrante du travail empirique. C’est ainsi que mes recherches suivantes sur les “sorties de la toxicomanie”, puis sur les politiques sanitaires et sociales et enfin sur l’introduction des règles du management public dans l’administration de l’Etat ont toujours essayé de rendre compte de la manière dont une activité pratique s’engage, se déroule et se conclut à partir de l’analyse un phénomène : l’accomplissement de la coordination de l’action en commun tel qu’elle s’effectue dans la temporalité même où elle se réalise. L’objet d’une telle analyse est de saisir empiriquement les “opérations épistémiques” (on doit la notion à Cicourel) qui assurent les enchaînements qui permettent la continuité de l’action en cours. Dans cette perspective, l’enquête empirique doit viser à appréhender la manière dont des formes de connaissance pratique sont mises en œuvre par les partenaires d’interaction afin de garantir la fluidité de la succession des échanges qui les réunit dans la durée du déroulement d’une activité conjointe. Le matériel empirique sur lequel repose l’analyse doit provenir à la fois de l’étude des conditions de la situation, de l’observation des échanges entre partenaires d’interaction et d’entretiens portant sur la manière dont certains moments-clé de l’interaction se sont déroulés selon eux. Il ne s’agit pas de restituer le point de vue des acteurs sur leur action mais bien de tirer de leurs descriptions des éléments qui éclairent l’usage qu’ils font de leur connaissance pratique. Cette démarche est présentée dans un livre : L’esprit gestionnaire, publié en 1995.

N. V. da C. : L’un des thèmes de vos recherches actuelles porte sur les effets du phénomène gestionnaire dans l’organisation de l’activité de gouvernement et dans la définition de l’action publique. Pouvez-vous nous faire part de votre analyse sur ces questions ?

A. O. : J’ai en effet travaillé durant une dizaine d’années sur la transformation que l’introduction de techniques de quantification dans la manière de concevoir et de mettre en œuvre l’activité de gouvernement fait subir à la conception de la politique et de la démocratie. Mes recherches se sont concentrées sur la mise en place à l’école, à l’hôpital, à l’université et dans les administrations d’outils de management public destinés à contrôler la dépense engagée par l’entretien de services publics. L’intérêt de cette recherche était de proposer une critique du néo-libéralisme fondée sur l’analyse empirique d’un phénomène : l’imposition d’une vision purement comptable de l’activité de gouvernement à partir de l’idée selon laquelle l’Etat est une entreprise et doit passer d’une “obligation des moyens” à une “obligation de résultat”. Mon travail a cherché à démontrer le caractère absurde de ces propositions. Il s’est donc contenté d’examiner l’application, dans le travail des administrations, des recettes de ce que j’ai nommé l’“esprit gestionnaire”. L’adjectif “gestionnaire” qualifie, pour moi, une méthode de gouvernement qui consiste à justifier la décision politique en s’adossant exclusivement à l’objectivité supposée de données de quantification au nom desquelles les autorités publiques fixent des objectifs chiffrés dont la réalisation est mesurée à l’aide d’indicateurs de performance. Autrement dit, exercer le pouvoir en mode gestionnaire consiste à faire passer les choix politiques dans des instructions techniques et comptables qui rendent invisible leur nature idéologique. Pour accomplir cette métamorphose, un élément est indispensable : la mise en place d’un “système d’information” qui met en chiffres chacun des éléments qui composent la “chaîne de production” d’une mesure administrative afin de réaliser des “gains de productivité”. Un tel dispositif est totalement dépendant de la quantification pour une raison simple : sans chiffres, il est impossible ni de fixer des objectifs précis, ni de définir des indicateurs de performance, ni de mesurer le degré de réussite d’une décision, ni d’évaluer l’efficacité (en termes économiques) d’une politique publique.

Cette recherche s’est prolongée par une réflexion sur les conséquences politiques et sociales de la dépendance que les dirigeants modernes ont contracté vis-à-vis de la quantification et de ses outils. La plus importante est la modification des catégories de raisonnement utilisées pour décrire l’action politique, c’est-à-dire leur a-moralisation, leur neutralisation et leur standardisation. Telle est la base empirique sur laquelle repose la critique du raisonnement néo-libéral que j’ai résumée dans un livre intitulé Désacraliser le chiffre dans l’évaluation du secteur public, publié en 2013.

N. V. da C. : Un autre thème important de vos recherches porte sur l’analyse des mouvements extra-institutionnels de contestation politique qui se développent actuellement. Vous pouvez nous présenter les questions que se pose à travers vos analyses sur ce sujet ?

A. O. : Un mouvement de protestation extra-institutionnel est une forme d’action politique mise en œuvre par des citoyens sans affiliation partisane qui, par leurs propres moyens et sans la tutelle d’une autorité supérieure, s’organisent pour remettre en cause la légitimité d’une décision (ou non décision) prise par un gouvernement ou contester les politiques qu’il mène. L’observation de la multiplication de ces mouvements de par le monde (Tunis, Le Caire, Madrid, New York, Rio de Janeiro, Alger, Istanbul, Beyrouth, Dar Es Salam, Chili, etc.) force à admettre que les citoyens se gênent de moins en moins pour faire irruption dans la vie politique d’un pays afin d’imposer, à leur propre initiative, une orientation nouvelle à la manière dont les affaires publiques y sont prises en charge (ou pas) par leur gouvernement et les partis qui le soutiennent. Autrement dit, la “souveraineté du peuple” prend désormais consistance lorsque des foules prennent la rue pour s’opposer à des pouvoirs discrédités (en parvenant parfois à les chasser de façon pacifique) ; lorsque des ONG, des collectifs ou des associations obligent des gouvernements à négocier, les assignent en justice ou les fait revenir sur des mesures inacceptables ; lorsque le recours à la désobéissance civile, à l’action directe non-violente ou à des occupations contribue à satisfaire une revendication ; lorsque des “mouvements” se situant hors du système des partis gagnent des sièges dans un Parlement ou décident de former un exécutif ; ou lorsque des novices en politique sont portés à la tête d’un Etat contre les candidats de l’establishment.

Mes recherches sur cet “activisme politique” des citoyens montrent qu’il n’est en rien une menace pour la stabilité de la société ou la démocratie, mais qu’il met au jour un phénomène : l’espace public à l’intérieur duquel l’activité politique se déploie dans les régimes démocratiques contemporains est passé d’un ordre bipolaire articulé autour du jeu entre une “société politique” (le monde de la prise en charge de l’administration de l’Etat) et une “société partisane” (le monde des opérations et stratégies politiques organisées afin d’accéder au pouvoir) à un ordre tripolaire dans lequel le monde des “pratiques politiques autonomes” des citoyens entre en concurrence directe avec les deux autres. Cette reconfiguration de l’ordre du politique n’est ni éphémère ni auxiliaire. Elle procède du fait que les formes de la socialisation politique se sont transformées. La transmission des bonnes manières de remplir la fonction de citoyen dans une démocratie représentative telle qu’elle était assurée par la famille, l’école, la religion, les organisations de jeunesse puis les partis et les syndicats a vécu. Un nouveau rapport des citoyens au politique est né, qui traduit l’accroissement de leur autonomie de jugement et de leur envie de voir leur voix ne plus être confisquée par des représentants qui la trahissent. Ils agissent aujourd’hui de façon autonome pour rendre légitimes les questions d’intérêt général dont ils considèrent qu’elles sont oubliées par les professionnels de la politique – sans compter leurs multiples engagements dans l’économie solidaire, dans des réseaux de solidarité, dans des coordinations de villes en transition, des entreprises en autogestion ou dans des cercles de discussion qui construisent de nouvelles voies pour s’organiser politiquement en dehors de vieilles structures partisanes. C’est tout cela qui est analysé dans mon Politique de l’activisme, paru en 2021.

Il ne faut toutefois pas oublier que cet activisme reste ambigu. S’il s’est surtout développé dans le camp de la “gauche” sur la base de la revendication de démocratie, le camp de la droite l’a récupéré en adoptant la même forme d’action pour s’opposer, elle, aux politiques qui concèdent trop de droits aux citoyens (avortement, homosexualité, assistance financière de l’Etat, accès à l’enseignement, liberté d’expression, etc.) et trahissent la tradition, la loi naturelle ou la hiérarchie sociale. Cela s’est vu au Brésil - avec comme conséquence la destitution de Dilma Rousseff et l’élection de Jaïr Bolsonaro - ou aux Etas Unis avec l’assaut contre le Capitole dirigé par Donald Trump. Il faut rester attentif à cette modalité de l’activisme, qui se fait non pas à l’initiative de citoyens revendiquant leur autonomie, mais sous la direction de “leaders” dont la seule motivation semble être la soif d’exercer un pouvoir absolu au service des puissants et en écrasant les droits des citoyens.

N. V. da C. : Vous avez également développé une importante approche de sociologie analytique autour de l’ethnométhodologie, de l’interactionnisme réaliste et du pragmatisme. Vous pouvez nous présenter les questions théoriques et les réflexions méthodologiques que vous avez abordés à partir de ces thèmes ?

A. O. : Comme je l’ai dit plus haut, mes recherches de terrain m’ont conduit à mettre l’accent sur l’usage que les personnes font de leur savoir pratique pour agir avec autrui dans le déroulement temporel (ou la “séquentialité”) d’une interaction. Cet usage s’inscrit et s’exprime dans une “situation”, c’est-à-dire un cadre quiindique aux partenaires engagés dans une activité pratique les manières de faire, de penser et de parler appropriées. Dans cette perspective, qui est celle de ce que je nomme “interactionnisme réaliste”, ce qui assure la régulation des conduites individuelles est cette “matérialité du social” qui est directement portée par les obligations qu’impose le contexte physique, institutionnel et conceptuel propre à une situation. Les recherches conduites dans cette perspective reposent donc sur un modèle dynamique et pluraliste de l’action en commun fondé sur trois propositions :

1. tout individu a une connaissance préalable de la signification générale qu’il convient d’attribuer aux objets, aux rôles et aux événements propres à une situation ;

2. il règle son action sur un ordre de rationalités propre à cette situation qui le guide pour identifier ce qui se passe, comprendre la conduite d’autrui, rectifier les écarts aux attentes, combler les lacunes de la communication et réviser les interprétations jugées inappropriées ;

3. il suppose que ce savoir pratique est aussi celui de ses partenaires et présume que ceux-ci les utilisent de la même manière qu’il le fait lui-même.

Dans ce modèle, le rapport à autrui repose plus sur l’anticipation que sur l’accord explicite qui s’instaurerait dans la communication (selon la thèse de Habermas). C’est que, dès lors qu’on prête attention au flux temporel de l’interaction, on constate que les individus ont rarement l’occasion de prendre le temps d’obtenir une confirmation de la justesse de ce qu’ils font. De ce fait, ils doivent inférer l’assentiment de leurs interlocuteurs en observant leurs réactions et en les interprétant. Ce qui déplace l’objet de l’analyse sociologique vers ce que j’ai nommé les “pratiques inférentielles directe” que les individus expriment dans l’accomplissement de la coordination de l’action en commun. Ces pratiques ne sont pas stockées dans l’esprit de ceux qui agissent (elles ne sont pas cognitives au sens des approches « mentalistes »), mais se constituent à partir de l’idée familière que chacun se fait de la conduite “normale” qu’autrui devrait suivre dans l’interaction en cours. Ce qui conduit à penser la normalité comme un élément inhérent à chaque forme d’activité pratique (“ce qu’il convient de faire, dans quelle circonstance, avec qui”), pas comme une cause externe, objective et inaccessible à la connaissance de la personne qui se plie à sa contrainte, comme le voudrait la sociologie structuro-fonctionnaliste.

A. F. A. : Cher Albert, après avoir lu, pour la deuxième fois, Le principe démocratie, ce livre si sensible sur la scène politique contemporaine que vous et Sandra Laugier avez publié en 2014 (justement quand j´étais à l´EHESS comme post-doctorante avec votre collaboration), je me suis rendu compte que vous deux insistiez que le principe de la démocratie n´est pas un non au sens de premier ou de fondement (page 22), mais une volonté d´agir. Vous pouvez, svp, expliquer, au public brésilien, l´idée centrale de ce livre que vous nommez « pluralisme radical », « démocratie comme forme de vie », « démocratie réelle », et quelle est l´hypothèse, sociologiquement dite, de votre travail? Quelle est l´importance d´une politique du « care » aussi ?

A. O. : Dans le Principe démocratie, Sandra Laugier et moi sommes partis d’un constat : la démocratie est un concept ambivalent. D’une part, il renvoie à un type de régime politique, fondé sur l’élection, l’alternance, la séparation des pouvoirs et une gamme élargie de droits et de libertés individuels. Mais, d’autre part, ce concept renvoie à une “forme de vie”, c’est-à-dire à un ordre de relations sociales délivré de toute trace de domination, qu’elle soit de classe, de compétence, d’origine, de genre, et fondé sur un principe : le respect inconditionnel de l’égalité de tous et toutes dans toutes les sphères de l’activité sociale (en politique, en entreprise, en famille, dans les villes comme dans la vie privée). Sandra et moi avons montré que c’est dans le va-et-vient incessant entre démocratie comme forme de vie et démocratie comme régime que la loi d’un Etat s’ajuste à l’évolution des mœurs telle qu’elle se produit, de son propre mouvement, au sein de la société. Et que, dans ce va-et-vient, c’est la démocratie comme forme de vie qui fournit la règle à l’aide de laquelle la démocratie comme régime s’organise et se transforme pour tenir des revendications d’égalité qui émergent au fil du temps. Nous avons tiré trois leçons de cette analyse :

  1. Si la démocratie comme régime est le domaine réservé d’un petit groupe de personnes qui font de l’administration de l’Etat leur métier, la démocratie comme forme de vie est une réalisation continue à laquelle participe l’ensemble des citoyens.
  2. L’existence et la reconduction d’une société se façonnent dans les pratiques qui constituent le va-et-vient entre démocratie comme régime et comme forme de vie.
  3. Il ne suffit pas qu’un acte politique soit en conformité avec l’expression d’une majorité de voix pour être qualifié de “démocratique”, mais il faut également qu’il soit en accord avec une fin qui n’attente ni à l’égalité, ni à la liberté ni à la dignité des personnes. L’engagement à maintenir cet accord est essentiel : en récuser la nécessité et décréter que le camp qui a réuni le plus de suffrages a tout droit de faire ce que bon lui semble réduit la démocratie à un rapport de force indigne. Faire de cet accord le critère de l’activité politique et s’attacher à l’atteindre en dépit des difficultés et objections de la majorité, c’est cela faire vivre l’esprit de la démocratie.

C’est sur la base de ces leçons que nous avons proposé de définir la démocratie comme un pluralisme radical, c’est-à-dire un type d’organisation sociale et politique qui, parce qu’il considère que sa tâche est de garantir l’égalité absolue des citoyens, admet la légitimité de toutes les conceptions du bien exposées dans l’espace public, de toutes les identités sociales revendiquées, de toutes les manières de vivre adoptée par un groupe social particulier. Le pluralisme radical accepte l’existence de “désaccords raisonnables” (comme les nomme John Rawls) entre citoyens tout en cherchant à les aplanir par la délibération collective et le consensus. Telle est la ligne directrice d’une politique du “care”, faite de bienveillance et de tolérance vis-à-vis de tous les ressortissants d’un pays considérés comme égaux en droits.

A. F. A. : Je suis assez curieux que vous pouvez parler un peu plus aussi sur la notion de « le politique » qui est comprise comme le principe démocratie, parce que, quand vous et Sandra faites référence à Hannah Arendt (page 70), je me demande si cette notion désigne, en relation à Aristote, la vie dans la pólis qui ne peut pas être réduite à la parole, même si on considère, selon Aristote encore, l´homme comme « zoon logon ekhon » (un être vivant qui parle) ?

A. O. : Cette question est très importante. Elle m’oblige toutefois à entrer dans le détail de la fabrication de la position de méthode que j’ai adoptée pour analyser le savoir pratique et son rapport à la notion de politique. J’ai peur d’être un peu pompeux mais vous me faites revenir aux origines de mon travail. Je m’en excuse par avance. La question de sociologie générale que j’ai cherché à résoudre est la suivante : comment faire pour rendre compte, de façon empiriquement détaillée, de la manière dont les individus font usage des principes de cohérence, de réciprocité, de responsabilité et de crédibilité pour accomplir la coordination de leur action en commun ? Et cette question vaut pour tout engagement pratique, dans la vie quotidienne comme dans l’action politique.

La réponse que j’ai apportée à cette question se construit sur une conception de la nature intégralement sociale de l’activité mentale quirepose sur deux postulats : l’externalisme du mental (les conditions déterminantes de la pensée se trouvent hors de l’individu - dans la langue, dans l’environnement, dans l’ordre des relations sociales, dans les institutions, dans les circonstances) et le holisme des significations(la signification n’existe pas en elle-même : elle se  confond intégralement avec l’usage que nous en faisons dans l’action en contexte. La thèse du holisme des significations rompt de façon radicale avec les théories de la communication qui admettent l’idée qu’existerait une séparation entre les mots, la pensée, le monde et l’action. Pour cette thèse, tout cela est indissociablement lié : en apprenant à parler, on apprend à faire usage du monde et à rendre raison des événements qui adviennent dans un ensemble de circonstances familières. Quant à la thèse de l’externalisme du mental, elle récuse l’idée selon laquelle les actes et les paroles que nous produisons sont les nôtres et qu’ils expriment notre identité ou nos dispositions. Elle admet que les significations sont déposées ou distribuées dans le monde et que nous ne faisons que les prélever et les combiner pour rendre nos agissements intelligibles à nous mêmes et à autrui. Pour être un peu pédant, on peut dire que ces deux postulats réhabilitent le sens commun et la distinction entre connaissance scientifique et connaissance pratique tels qu’ils ont été pensés à la fois par les néo-kantiens (Cassirer, Mannheim), les philosophes analytiques (Wittgenstein), les phénoménologues (Schütz) et les pragmatistes (Dewey). Cette convergence de manières de voir peut se résumer en trois propositions : la connaissance pratique est une forme de connaissance aussi pertinente que la connaissance scientifique ; cette forme de connaissance s’exerce entièrement et exclusivement dans l’action ; elle suppose l’existence d’un rapport direct qu’un individu entretient aux choses du monde et à leurs usagesau sens où la connaissance pratique s’actualise en comportements et en énoncés ajustés aux situations et aux circonstances sans requérir ni raisonnement, ni computation, ni calcul, ni vérification.

Les travaux de l’interactionnisme réaliste (Becker, Garfinkel, Goffman, Cicourel) ont donné un caractère empirique à ces trois propositions. Ils partent du principe que, dès lors que nous agissons en commun, nous nous reposons souvent (même si cela passe souvent inaperçu) sur un savoir pratique qui nous donne l’assurance qu’une suite d’événements ne manquera pas de se produire et nous conduit à ordonner notre action présente en raison de ces développements probables. Ce type de savoir est socialement organisé à la fois par la situation qui circonscrit ce qu’il est possible de concevoir au sujet de ce qui a une chance raisonnable de se produire dans un déroulement d’action donné ; et par les circonstances, qui émergent et se modifient de façon contingente dans le cours même de ce déroulement. On peut donc supposer que tout un chacun acquiert, à force de familiarisation,une connaissance directe du fait que chacun de ses engagements dans une situation est gouverné par une série de prescriptions, tacites ou explicites, qui organisent le type de relations sociales qui devrait normalement y prévaloir.

De ce point de vue, ce que les données recueillies dans une recherche de terrain rendent observable, c’est l’usage des critères d’identification (des choses, des événements et des intentions) dans et pour l’action en commun. L’analyse empirique de cet usage ouvre alors un domaine d’enquête original : celui de la connaissance en acte. Inscrire le travail sociologique dans cette perspective présente un double intérêt : d’une part, cela offre une alternative aux approches intellectualistes qui prétendent expliquer l’action au moyen de théories formelles, déliées de tout ancrage dans les questions pratiques qui se posent dans le flux de la vie et dans l’incomplétude qui en procède et le caractérise. D’autre part, cela replace la sociologie dans le débat suscité par l’essor des sciences cognitives et lui donne pour tâche de rappeler la nature sociale de l’activité de connaissance, au moyen de la description empirique des opérations épistémiques engagées dans les pratiques inférentielles directes (identifier, généraliser, abstraire, anticiper, typifier, mettre en relation) qui ordonnent l’environnement d’action de concert avec autrui.

A. F. A. : Le livre est un portrait du monde qui « est entré, depuis quelques années, dans une période d`effervescence politique », comme vous le dites ! Pour nommer les changements, vous adoptez la perspective du féminisme de Miranda FRICKER, avec la notion « d´injustice épistémique ». Pouvez vous nous expliquer l´importance de son usage en référence aux types de injustice « testimoniale » et injustice «herméneutique » ? Cette perspective est une réponse au point de vue « nostalgique » de Alain Badiou, Pierre Bourdieu et Toni Negri et Michael Hardt sur les mouvements de protestation contemporains ?  

A. O. : Un des thèmes majeurs autour duquel l’analyse politique s’est articulée à la fin du xxe siècle est celui de la justice (redistribution, égalisation des conditions, légitimité de l’intervention de l’État). Miranda Fricker a introduit une autre dimension du phénomène de la justice : celle qui a trait au rapport à la connaissance. Se plaçant à la croisée de trois traditions – la perspective féministe, l’éthique des vertus et l’épistémologie sociale –, elle a forgé la notion d’“injustice épistémique”, c’est-à-dire le fait que la parole de membres de certains groupes sociaux mis en situation de minorité (femmes, homosexuels, peuples colonisés, Afro-Américains, etc.) est dénuée a priori de toute légitimité, ce qui leur interdit d’obtenir, comme le dit Nancy Fraser, une “parité de participation” à la vie politique et sociale. Cette forme d’injustice est donc une rupture d’égalité qui se double d’un déni de citoyenneté. Fricker distingue deux types d’injustice épistémique : l’un est “testimonial”, l’autre “herméneutique”. Dans le premier, ce qui est en jeu est le préjugé qu’un auditeur manifeste à l’endroit des propositions formulées par un interlocuteur à la parole duquel il ne donne aucun crédit parce qu’il est immédiatement placé en situation de minorité. Dans le second, la question n’est pas celle de la crédibilité, mais celle de l’intelligibilité des descriptions et des interprétations des expériences sociales. Ces deux modalités de l’injustice épistémique se différencient en un sens précis : lorsqu’une personne souffre d’injustice testimoniale, c’est parce que quelqu’un la lui fait subir ; mais lorsqu’elle souffre d’injustice herméneutique, c’est en tant que membre d’un groupe social qui est exclu des processus sociaux qui produisent les concepts communs et les modes d’interprétation partagés qui permettent, à tous les membres d’une même collectivité, de rendre compte des affaires qui les concernent de façon mutuellement acceptable. Les membres des groupes mis en situation de minorité savent donc que leur parole sera disqualifiée, dévalorisée ou ignorée. Ce qui les conduit à passer du silence et de l’humiliation à la révolte et à la lutte (qu’on pense aux causes du vote des femmes, des droits civiques, du droit à l’avortement ou de la dépénalisation de l’homosexualité).

Il faut saisir la notion d’injustice épistémique dans un cadre plus large : celui de l’évolution des conditions d’exercice de la citoyenneté en régime démocratique. Dans un premier temps, celui de l’ère des Révolutions, l’instauration du régime de gouvernement représentatif a répondu à une exigence : en finir avec l’absolutisme en lui substituant un système politique fondé sur le principe d’égalité et dans lequel les dirigeants sont choisis par le “peuple souverain” à l’issue d’une élection, d’abord censitaire puis étendu à la population en son entier. Cette période est celle de la mise en place des conditions légales d’exercice de la citoyenneté. Dans un second temps, celui de l’Etat social, le principe d’égalité s’enrichit en intégrant l’obligation d’assurer à l’ensemble des ressortissants d’une entité politique un mode de vie suffisamment homogène (en termes de formation, de santé, de travail, de culture et de loisirs). Ce qui est alors au cœur des pratiques démocratiques, c’est la réalisation des conditions matérielles d’exercice de la citoyenneté fondée sur des politiques de redistribution assurant le financement des services publics. Nous vivons sans doute un troisième temps du principe d’égalité, qui vise à donner une traduction institutionnelle à l’idée selon laquelle tout citoyen a le droit, quel que soit son statut social, de contribuer de façon active à la définition de ce qui relève de l’intérêt général et à prendre part à l’activité de gouvernement qui la traduit en politiques publiques. Ce troisième temps est celui de l’établissement des conditions épistémiques d’exercice de la citoyenneté - celles que cherchent à imposer les défilés mondiaux autour de #MeToo, Black Lifes Matter ou Youth for Climate ou les mobilisations en faveur du maintien du droit à l’avortement en Europe et en Argentine ou des droits des peuples autochtones dans plusieurs pays d’Amérique latine et au Canada. J’analyse ce phénomène dans mon dernier livre, à paraître en 2023, Émancipations. Luttes minoritaires, luttes universelles ?

Cesar Pinheiro Teixeira : La sociologie semble avoir grandement bénéficié des discussions de Wittgenstein sur les règles et les jeux de langage. Moins fréquente est l’utilisation de l’idée de forme de vie. C’est une catégorie rarement évoquée par Wittgenstein lui-même, mais qui occupe en même temps une place très importante dans l’ensemble de son œuvre. Vous avez proposé de penser la démocratie comme une forme de vie. Cela dit, je demanderais : 1) pourriez-vous nous parler un peu de ce que cela signifie de penser à la démocratie comme forme de vie ? ; 2) Comment les sociologues peuvent-ils s’approprier l’idée de forme de vie ? Selon vous, quelles sont les limites et les possibilités de la notion de forme de vie pour les analyses sociologiques ?

A. O. : Je dois, à nouveau, m’engager sur le terrain de l’explication théorique. Pour la sociologie interactionniste, la vie sociale est une suite ininterrompue de “situations” (ou d’univers d’activité pratique) dans lesquelles les personnes effectuent incessamment des ajustements permanents à ce que chacune de ces situations semble leur recommander de faire. De ce point de vue, aucune orientation de l’action n’est individuelle, mais chacun des gestes et des paroles qu’un individu produit doit nécessairement s’exprimer dans des cadres sociaux que fixe chacune des situations qui composent la vie ordinaire. J’ai essayé de montrer la similitude de la notion sociologique de situation avec celle, philosophique, de “forme de vie” introduite par Wittgenstein. Pour lui, les “formes de vie” sont le donné de l’intérieur duquel une compréhension de ce qui se passe autour de soi se constitue, pas une réalité externe de laquelle il est possible de se détacher pour en rendre compte sur un mode théorique, puis se servir de cette abstraction pour expliquer la nature des conduites sociales qu’elle informe. Qu’est-ce donc qu’une “forme de vie” pour Wittgenstein ? Son raisonnement part d’une idée : “la signification, c’est l’usage”, puis il ajoute que tout usage s’inscrit nécessairement dans un “jeu de langage”  qui s’insère lui-même dans une “forme de vie”. Et tout cela s’emboîte à son tour dans un phénomène qui l’englobe et dont Wittgenstein a résumé la nature : “C’est ce que les hommes disent qui est vrai et faux ; et c’est dans le langage que les hommes s’accordent. Cet accord n’est pas un consensus d’opinion, mais de forme de vie”. Pour le dire autrement : Wittgenstein admet qu’une logique ordinaire de l’intelligibilité (cet inextricable assemblage entre usage/jeu de langage/forme de vie/accord dans la langue) s’actualise dans le cadre particulier de l’organisation sociale d’un type d’activité pratique à l’intérieur duquel toute action en commun se déroule de façon coordonnée. Ce qui apparente la notion de forme de vie à celle de situation est donc le caractère contraignant du cadre que toutes deux imposent. Le sociologue peut donc apparenter la notion de “forme de vie” à celle d’“ordre normatif”, mais un ordre normatif qui est propre à une situation et informe ce qu’il convient d’y faire et d’y dire pour ne pas déroger à ce qu’il est acceptable d’y faire et d’y dire afin de rester intelligible à autrui.

Cette position conduit à considérer qu’un même individu inscrit son action dans une multitude d’ordres normatifs avec lesquels il est familiarisé. Ce qui ouvre un nouvel horizon à la description sociologique : au lieu d’envisager les règles que les gens suivent pour agir comme uneexplication ou comme unejustification, on peut les concevoir comme des instructions incorporées dans les actes et les énoncésqui sont produits dans le cours même d’une activité pratique. C’est à partir de la thèse de la “pluralité des ordres normatifs” (exposée dans mon Sociologie de déviance) que j’ai proposé une conception dynamique du rapport entre connaissance et action qui invite à rendre compte des “pratiques inférentielles directes” qui assurent la coordination de l’action en commun – c’est-à-dire l’activité déployée pour donner une intelligibilité mutuelle à ce qui se passe dans une situation d’action et la réviser en permanence en fonction des circonstances changeantes de l’interaction.  

Je suis assez embarrassé pour traiter de ces questions qui sont de nature purement empirique en les rapportant aux développements de nature proprement théoriques que j’ai proposé au sujet de l’activité de connaissance. Il s’agit en effet de deux niveaux de description que je considère comme tout à fait éloignés l’un de l’autre : d’un côté, la logique qui gouverne l’appréhension de ce qui se passe dans une situation d’action pour y intervenir de façon intelligible ; de l’autre, le contenu de communication véhiculé par un message littéral. Mais si je dépasse cette gêne, je dirais que, quand on lit ce qui se pense et s’écrit au sujet des fake news et de l’importance des réseaux sociaux dans la vie politique, tout cela semble encore plutôt confus. On n’arrive pas à démêler ce qui relève d’une activité de propagande “normale” (au sens où elle a toujours existé dans le combat politique) de ce qui est nouveau et spécifique à la circulation rapide de l’information que permet les réseaux. Je vais prendre un exemple : le rejet de la Constitution chilienne le 4 septembre dernier. On sait que les forces de droite ont dépensé des sommes considérables pour diffuser des affirmations délibérément erronées sur le contenu de cette Constitution. Ils l’ont fait par les canaux usuels de la propagande (télévision, presse, tracts, discussions, réunions publiques, etc.) et sans doute via les réseaux sociaux (comment peut-on éviter aujourd’hui de ne pas tout éditer sur les réseaux ?). La victoire massive du rechazo tient pourtant à bien d’autres facteurs, comme la nature des problèmes qui touchent la population chilienne, le contenu des propositions démocratiques d’avant-garde de la Constitution ou la baisse de popularité du gouvernement. Bref, on ne parvient pas vraiment à mettre en évidence une influence massive et déterminante des fake news sur la formation de l’“opinion publique”. Lorsqu’elle est mesurée, cette influence reste toujours marginale, même si une petite différence des intentions de vote peut changer le sens d’une élection (comme le pense Steve Bannon par exemple, dont le travail sur les réseaux sociaux comme l’ex-Cambridge Analytica a plus consisté à dissuader d’aller voter pour les candidats de “gauche” en les disqualifiant qu’à attirer de nouveaux adeptes aux idées réactionnaires). Je crois que la fabrication des convictions politiques se fait plus dans les interactions au sein de milieux spécifiques (évangélistes, fascistes, nationalistes, communistes, révolutionnaires, féministes, homosexuels, etc...) que sur les réseaux. Ceux-ci offrent une circulation en interne qui, en fin de compte, ne convainc que les convaincus ou les personnes qui sont susceptibles de l’être. On verra si les groupes whats’app dont on dit qu’ils ont fait l’élection de Bolsonaro en 2018 connaîtront le même succès en octobre 2022.

S’il y a une chose à laquelle les travaux en sociologie de la connaissance pratique pourraient contribuer, c’est à persuader les chercheurs que les êtres humains ne restent jamais inertes face aux données avec lesquelles ils sont mis en contact et auxquelles ils ne manquent pas de prêter une intelligibilité qu’il leur toujours possible de modifier. En un mot, je continue à penser que les citoyens se forment un jugement sur la validité des éléments d’information qui leur sont soumis via les réseaux pour statuer sur leur bien fondé ou leur manque de cohérence.  Et qu’ils sont nombreux à ne pas prendre au sérieux des affirmations saugrenues, absurdes ou délirantes – même si elles sont confortées par des images. Cette méfiance est d’autant plus forte que se diffuse l’idée que les réseaux sociaux sont inondés de fake news qu’il faut prendre pour ce qu’elles sont et ne pas leur donner la crédibilité qu’elles cherchent à extorquer. On trouvera toujours des esprits un peu tourmentés qui sont près à croire des histoires à dormir debout. Mais en général, le bon sens et le raisonnement prévalent (même s’ils conduisent à adopter un point de vue qui semble aberrant). Mais il se pourrait bien que j’ai entièrement tort sur ce point…  

Références :

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Ogien, Albert (2017), Practical Action: Wittgenstein, pragmatism and sociology, Beau Bassin, Éditions Universitaires Européennes.

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Ogien Albert (2012), Sociologie de la déviance, Paris, Presses universitaires de France.

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Ogien Albert & Sandra Laugier (2010), Pourquoi désobéir en démocratie ?, Paris, La Découverte.

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