Michel Barthélémy

zvpury.oneguryrzl@rurff.serf.ssehe@ymelehtrab.lehcim

Membre statutaire, Chargé de recherche au CNRSCentre d'étude des mouvements sociaux

Présentation des recherches

Mon travail en cours s’attache à faire cohabiter une démarche ethnométhodologique avec une approche critique. Il s’agit par là de décrire les modalités par lesquelles, dans des situations constituées par l’affrontement de discours divergents sur la définition d’une situation problématique donnée, de sa caractérisation et de la définition des mesures propres à la traiter, la description qui rend compte de ce conflit offre en même temps, implicitement, dans sa composition même, les instruments et instructions pour évaluer les positions divergentes et permettre de trancher entre elles.  C’est par excellence le travail des médias que de présenter les éléments d’une situation complexe sur laquelle des positions antagonistes s’opposent dans les conditions de la pluralité des perspectives sous un point de vue tiers. Celui-ci est censé offrir à un public éloigné les moyens d’examiner et de porter un jugement informé sur la situation dont il s’agit et les actions et prises de position auxquelles elle donne lieu de la part de ses protagonistes.

On peut interroger alors la manière dont un discours tiers constitue un point d’observation à partir duquel rendre compte de façon indépendante d’une situation dont la caractérisation même est marquée par un conflit d’interprétations. Or, cette indépendance présumée de la description médiatique de la situation par rapport à ses parties prenantes peut être appréhendée analytiquement non pas comme le résultat d’une description objectivement fidèle à ce qui est « réellement le cas », qu’exprimerait un observateur qui n’est pas partie au conflit, mais comme un accomplissement pratique, un savoir-faire social dont les modalités sont incorporées dans la manière même dont est produit le compte rendu. Dans cette mesure, la pratique socialement organisée qui assure à un compte rendu d’une situation de la vie sociale sa cohésion et cohérence allant de soi, son intelligibilité ordinaire en tant que relation discursive d’un état de fait au sein d’un monde partagé et connu en commun, est également ce qui fournit les ressources à la critique des présupposés normatifs implicites incorporés dans cette description. Ce qui signifie que celle-ci soit appréhendée cette fois comme une construction idéologique et non plus comme le reflet d’un ordre social objectif. Partant, la critique médiatique est elle-même examinable comme une activité d’analyse critique qui relève d’une pratique sociale ordinaire. S’il en est ainsi, cela tient au fait que l’enjeu d’un compte rendu public approprié ressortit pour les membres de la société à la défense de l’intérêt général. Cela a à voir avec le rôle que jouent les médias à la fois dans l’invocation et la formation de l’opinion publique. L’entrée en scène de cette catégorie de collectivité, sous les traits d’un discours dominant, au sens de susceptible de susciter l’adhésion, et portant sur la nature du problème qu’évoque la situation relatée, peut à son tour influer sur le rapport de force mis en place dans une situation conflictuelle au profit de l’une ou l’autre des parties. Or cela n’est pas sans incidence sur la façon d’évaluer une définition de la situation comme étant plus conforme à ce qui est tenu pour être réellement le cas qu’une autre. Avec pour conséquence que cette dernière se trouve être discréditée cependant qu’est légitimée la position adverse. Voir une injustice dans la manière dont cette préférence est accomplie dans un cas donné, peut constituer une condition suffisante pour mettre en cause l’orientation dominante du discours public. D’autant que s’intéresser à la critique en tant qu’activité pratique de membres ordinaires de la société, c’est également examiner celle-ci en tant qu’elle est le fait d’acteurs périphériques aux instances responsables des décisions contestées et qui se situent par rapport à elles dans une position asymétrique en termes de pouvoir d’action et d’accès à la parole publique. Dans ce cas de figure, la tâche des critiques ne se réduit pas à dénoncer, à s’indigner des mesures prises ou projetées, du fait de leur inadéquation présumée à la situation problématique dont il s’agit. Elle est également une revendication de reconnaissance d’une légitimité propre par les protagonistes en position de décider, comme éventuellement par les commentateurs professionnels, à prendre part à la définition du problème et à sa remédiation. Une telle perspective rend la démocratie empiriquement analysable en tant que problème contingent et pratique sociale située.

Enfin, dans cette perspective où la critique revêt l’apparence de la mise en cause du compte rendu médiatique de la situation, il s’agit alors de s’intéresser à la manière dont les médias, censés représenter un état du monde social à un moment donné à travers une situation donnée, rectifient leur présentation et analyse des faits au fil de l’eau sans pour autant rendre thématique la façon dont ils produisent leurs comptes rendus et l’ouvrir à un questionnement public susceptible d’en rendre examinables d’éventuels points problématiques. Il s’agit alors d’examiner la manière dont en relation à un cas précis, le discours médiatique peut s’y prendre pour rectifier une description antérieure erronée sans que la question de l’erreur ne soit explicitement posée. Une piste de réflexion connexe est celle des façons dont le discours public résiste à la critique, tant à son contenu qu’aux velléités des agents qui sont porteurs d’un point de vue alternatif d’entrer dans le jeu de la définition de la situation sur laquelle une action est censément requise en vue d’influer de manière concertée sur le cours de la solution à lui apporter.

C’est ce questionnement élémentaire qui constitue le fil de mes analyses. Son terrain est fourni par le traitement médiatique du mouvement universitaire de 2009 (voir « perspectivisme médiatique et sens de l’événement » : http://www.discourseanalysis.net/wiki.php?wiki=Sociologie%20du%20Langage::s%C3%A9minaires ) et un examen des textes ethnométhodologiques consacrés aux possibles développements d’une analyse critique en son sein (voir les textes des exposés de séminaire consacrés aux travaux de Paul Jalbert et Beng-Huat Chua : https://ent.aria.ehess.fr/uPortal/tag.db225c4b1b170bde.render.userLayoutRootNode.uP?uP_root=u107l1n85&uP_sparam=activeTab&activeTab=5 ).

Des textes portant sur la critique de la couverture médiatique du mouvement universitaire de 2009 comme dimension potentielle de la construction du discours médiatique, mais également comme accomplissement interne des médias, sont en préparation.

Publications principales

2018

♦ Barthélémy  Michel, Hedström Julia & Fabienne Malbois (2018), L’ethnographie institutionnelle, Paris, Economica ; traduction de l’anglais de Dorothy Smith, Institutional Ethnography. A Sociology for People, AltaMira Press, 2005.

♦ Barthélémy  Michel & Fabienne Malbois (2018), « De l'expérience au texte. Une sociologie de l'expérience locale et extra-locale de l'action », Préface à la traduction de Dorothy Smith, L’ethnographie institutionnelle, Paris, Economica.

2015

♦ Barthélémy  M., B. Olszewska, Occasional Paper/CEMS 29 : Comment devient-on une « grande fille » : Espace familial et normes sociales, (2015). [cems.ehess.fr/index.php?3592]

♦ Barthélémy  M., Occasional Paper/CEMS 28 : Digression sur « hotrodder » : la catégorisation comme instrument de préservation ou de transformation politique du monde social, (2015).
[cems.ehess.fr/index.php?3588]

2012

♦ Barthélémy  M., « Faire et défaire un fait dans une controverse. Le Monde et le mouvement universitaire de 2009 », in D. Cefaï & C. Terzi (dir.), L’expérience des problèmes public, Paris, Éditions de l’EHESS (« Raisons Pratiques », 22), p. 261-291.

2010

♦ Barthélémy  M. & B. Olszevska, S. Laugier (dir.), Les données de l’enquête, Paris, PUF (« CURAPP »), 2010.

♦ Barthélémy  M. & B. Olszevska, « Introduction » in M. Barthélémy, B. Olszevska et S. Laugier (dir.), Les données de l’enquête, Paris, PUF (« CURAPP »), 2010, p. 5-35.

♦ Barthélémy  M. & B. Olszevska, Maÿlis Dupont « L’accord sur les données », in M. Barthélémy, B. Olszevska et S. Laugier (dir.), Les données de l’enquête, Paris, PUF (« CURAPP »), 2010, p. 197-226.

♦ Barthélémy  M. (trad.), Lena Jayyusi, Catégorisation et ordre moral, Paris, Economica, 2010.

2008

♦ Barthélémy  M., « La réception en action : la production interactionnelle des différents “publics d’un problème” dans le cadre d’un débat télévisé », in B. Dupret & J.-N. Ferrié (dir.), Médias, guerres et identités : les pratiques communicationnelles de l’appartenance politique, ethnique et religieuse, Éd. des archives contemporaines, p. 131-158, 2008.

♦ Barthélémy  M., « Reception-in-Action in a Panel Interview: the interactional Production of several Kinds of “Public in Relation with a Problem” » Ethnographic Studies, 10, mai 2008, p. 89-105.
À lire : l’article en ligne

2007

♦ Barthélémy  M. & L. Quéré (traduction coordonnée par), Recherches en ethnométhodologie de Harold GARFINKEL, (traduit de l'anglais (USA) par Michel Barthélémy, Baudouin Dupret, Jean-Manuel de Queiroz et Louis Quéré). Paris, PUF, 2007, 474 p.
À lire : présentation de l’ouvrage

♦ Barthélémy  M. & L. Quéré, « L’argument ethnométhodologique », introduction à H. Garfinkel, Recherches en ethnométhodologie, Paris, PUF-Quadrige, 2007, p. 9-44.

♦ Barthélémy  M., participation à l’organisation, avec B. Olszewska, S. Laugier, d’un colloque international Les « données » de l'enquête : Nouveaux dispositifs théoriques et techniques, nouveaux enjeux en sciences sociales, 21-23 novembre 2007 Compiègne, France.
Et présentation de l’exposé, avec B. Olszewska, M. Dupont, « Le corps du danseur comme ressource et cadre de l’activité chorégraphique », (texte à paraître dans un ouvrage collectif).

♦ Barthélémy  M., « L’information et les étapes de la connaissance journalistique face à la critique », Réseaux, 25-143, 2007, p. 177-228.

2006

♦ Barthélémy  M., « Enquiries into newscasts: the discursive organization of televised criticism and debate », Ethnographic Studies, 8, novembre 2006, p. 44-60.
À lire : l’article en ligne.

♦ Barthélémy  M., « News Broadcasting and the Stages of Journalistic Knowledge in the Face of its Criticism », atelier international Ethnomethodology and Media, Institut Français du Proche-Orient/Charles University, Prague (République Tchèque), 9-11 novembre 2006, (texte paru dans Ethnographic Studies).

2004

♦ Barthélémy  M., « Anticipation et action : le jeu des perspectives temporelles dans la constitution et la résolution d’un problème européen », Quaderni, 53, 2004, p. 37-56.

♦ Barthélémy  M., « Enquiries into newscasts: The discursive organization of televised criticism and debate », atelier international Media and Arab audience, Institut Français du Proche-Orient, Damas (Syrie) 2-3 mai 2004, (texte paru dans Ethnographic Studies, 2006).

2003

♦ Barthélémy  M., « Temporal perspectives  in the practical-textual handling of a European public problem », Social Science Information, 42/2, 2003, p. 403-430.

2002

♦ Barthélémy  M., «Exclusion ou intégration ? Aide publique et conflit d’identité catégorielle des destinataires », Quaderni, 48, 2002 p. 23-40.

1999

♦ Barthélémy  M., « La lecture en action : entre le présupposé d’un monde objectif et son accomplissement situé », Langage & Société, 89, septembre 1999, p. 95-121.

1996

♦ Barthélémy  M., « L’événement dans le texte : quand le sida devient un scandale public », Langage & Société, 78, décembre 1996, p. 5-54.

1994

♦ Barthélémy  M., « Une pratique sociale singulière : voir et faire voir le sens de la conduite autistique », cahier de recherche ethnométhodologique, 2, 1994, p. 61-76.

1992

♦ Barthélémy  M., « Événement et espace public : l’affaire Carpentras », Quaderni, 18, automne 1992, p. 125-140.

1990

♦ Barthélémy  M., « Voir et dire l’action : la normalisation des comportements des jeunes autistes », Les Formes de l’action, vol. 1, 1990, p. 195-226.

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