Projet Scientifique du CEMS

Le projet scientifique du laboratoire s’intitule « En quête de démocratie ».

Il se décline en quatre lignes d’enquête et d’analyse.

Cette partition en quatre grandes lignes n’est qu’une modalité d’exposition : elles sont, à vrai dire, transversales à la plupart des recherches menées au CEMS. Loin de se figer en blocs distincts, elles ne sont que des entrées possibles dans le type de recherches sur la démocratie pratiquées dans ce laboratoire. Elles innervent quatre axes de recherche.

Les lignes d’enquête

Vivre, participer, expérimenter

“Vivre, participer, expérimenter”, parle d’expérience. L’enquête est menée sur les modalités du (bien) vivre ensemble dans les activités les plus ordinaires de la vie quotidienne, selon des méthodes développées au CEMS – ethnographies du politique, ethnométhodologie, ethnocomptabilité, analyse du discours… – pour rendre compte de ces milieux de vie et histoires de vie. Les enquêtes sur l’organisation des expériences se portent sur les dimensions des affectivités, des sensibilités, des imaginaires, des mémoires et des projets. Elles tentent de comprendre comment les personnes font sens de leurs activités les plus ordinaires et, parfois, traitent leurs difficultés, leurs différences et leurs désaccords sur un mode politique. La prise en compte de cette capacité d’agir collectif implique une réflexion sur l’empowerment et la participation, la représentation et l’expertise. Quelles tensions existent entre la formation des expériences citoyennes et le travail des spécialistes de la loi, du savoir et du pouvoir? Comment ces expériences peuvent-elles acquérir une portée civique et politique et exister de plein droit? Comment en rendre compte?

Problématiser, publiciser, médiatiser

“Problématiser, publiciser, médiatiser”, approfondit cette intuition initiale. Comment le pouvoir d’agir de concert et de penser en commun s’actualise-t-il dans des dynamiques d’enquête, de définition et de résolution de situations problématiques qui impliquent un moment de publicité? Le moment de la problématisation est crucial puisque c’est celui où cristallisent à la fois l’expérience commune des problèmes, la critique des situations existantes, la détermination des enjeux des conflits, l’auto-perception de collectifs concernés et la reconnaissance d’adversaires à combattre. Cette problématisation se fait à travers un travail de mise en forme, en scène et en sens, que l’on qualifie de dynamique de publicisation – le problème est rendu sensible, il est pris en charge par des “publics” avec, à l’horizon, l’intervention de pouvoirs publics. Ce travail de problématisation est cependant porté tant par des dynamiques citoyennes que par des acteurs économiques, professionnels ou institutionnels extrêmement puissants et organisés, qui travaillent à faire valoir leurs définitions et leurs solutions du problème, conformément à leurs intérêts. La dynamique de publicisation est médiatisée par toutes sortes de vecteurs, entendus comme des opérateurs de représentation, de dramatisation et d’argumentation, de communication et de persuasion – dont les médias. Et elle donne naissance à des contre-publics, pseudo-publics et crypto-publics… autant de notions à discuter.

Se mobiliser, protester, revendiquer

“Se mobiliser, protester, revendiquer” fait le lien entre ces dynamiques de problématisation, de publicisation et de médiatisation et les multiples processus de critique, de dénonciation et de revendication, que l’on rassemble d’ordinaire sous le titre de mouvements sociaux. Le CEMS s’est depuis sa fondation intéressé à la question des mobilisations collectives et a proposé très tôt des lectures en termes d’identités, de droits ou de mémoires différentes de celles qui prédominent en termes de mobilisation de ressources ou de stratégies de communication. Il a en particulier mis en avant le travail de narration, de discussion, d’enquête et d’expérimentation qui est accompli dans la plupart des mouvements de protestation et qui avait été souvent négligé par les recherches plus conventionnelles. La démocratie n’est pas seulement le terrain de rapports de force ou de batailles de marketing, elle se fait dans l’effort des citoyen·ne·s qui enquêtent sur leurs milieux de vie, qui les décrivent et en témoignent, qui en proposent des diagnostics et des pronostics, qui les dénaturalisent et parfois, en mènent une critique en règle. Il s’agit d’étudier les capacités et incapacités collectives à instituer un monde conforme à des attentes de liberté, d’égalité ou de justice. Comment faire valoir un souci du bien public dans différentes sphères d’activités marchandes ou étatiques? Comment, aussi, se réclamer de l’intérêt général pour mieux réaliser des intérêts particuliers? Une question qui occupe une place croissante au CEMS est celle du lien entre les multiples propositions autour des “communs” – biens communs ou propriétés communes – et une interrogation plus centrée sur la res publica. Quel type d’enrichissement mutuel la confrontation de ces deux notions peut-elle apporter? Et dans quel type de tensions peuvent-elles entrer?

Évaluer, gouverner, instituer

“Évaluer, gouverner, instituer”, enfin, s’efforce de décrire les multiples dispositifs et institutions dans lesquels se coule l’invention démocratique – ou qui la contrent. La vie publique, même lorsqu’elle est orientée par des processus d’autogestion et d’autogouvernement, ne se déploie, ne se stabilise et ne se viabilise que grâce à de tels dispositifs et institutions – dont la nature sera à décrire et à discuter. La dynamique de publicisation est impensable sans un processus de dés-institutionnalisation et de ré-institutionnalisation. Elle se fait à l’encontre de toutes sortes d’agencements matériels, d’arrangements écologiques, d’arsenaux législatifs, de réseaux technologiques, d’outils gestionnaires, d’instruments statistiques, qui peuvent se composer en de véritables complexes financiers ou militaro-industriels… En même temps, elle ne peut exister que si elle est reprise, relayée, relancée, si elle ne trouve pas des points d’appui et des opérateurs concrets dans des agencements matériels. Les questions des autres lignes de recherche sont alors légèrement déplacées. Quels sont les dispositifs d’action publique qui soutiennent ou empêchent la formation de problèmes publics? Quelles techniques alternatives de gestion et de comptabilité, d’information et de communication sont opposées à celles existantes? Quels sont les statuts participatifs accordés aux publics par des organisations (associations, entreprises, institutions) qui poursuivent leur propre logique? Quelles places sont ouvertes à des formes de participation et de délibération en contrepoint de celles de la démocratie représentative? Comment sont-elles outillées ou équipées? Et comment organisent-elles parfois la défiance, le soupçon, la surveillance, la censure, le blocage – la “contre-démocratie”? Comment la création de nouveaux dispositifs et institutions répond-elle à des défis parfois contradictoires avec l’exigence démocratique? Et comment certains usages des institutions démocratiques en viennent-ils à rendre l’émancipation démocratique impraticable, sinon la mettre en péril?

Les axes de recherche

Les axes de recherche du CEMS sont les véritables lieux de regroupement des projets concrets, réunissant chacun un ensemble de chercheur·e·s et de doctorant·e·s autour d’une entrée spécifique, au regard de laquelle s’organise un ensemble d’investigations, de discussions et de publications. Si les chercheur·e·s statutaires sont plus particulièrement investi·e·s dans l’un ou l’autre de ces groupes, la participation à un groupe n’est pas exclusive et les interactions/circulations entre les axes sont à la fois nombreuses et valorisées.

AXE 1. Histoires, théories et pratiques de l’enquête.

AXE 2. Mobilisations collectives et problèmes publics.

AXE 3. Technosciences, économies, infrastructures.

AXE 4. Risques, violences et réparation.


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