Soutenance d’Alicia Marquez Murrieta

Thèse de doctorat dirigée par Louis Quéré et soutenue par Alicia Marquez Murrieta le 13 juin 2007 à l’EHESS.

Titre de la thèse

« Légalité, laïcité et avortement au Mexique : “L’affaire Paulina”. »

Les membres du jury

  • Mme. Jocelyne Arquembourg-Moureau, Maître de conférences à l'Université Paris 2
  • M. Bernard Delforce, Professeur à l'Université de Lille 3
  • Mme. Maria Eugenia Zavala de Cosio, Professeur à l'Université Paris 10
  • Mme. Michèle Ferrand, Directrice de recherche au CNRS
  • Mme. Rose Marie Lagrave, Directrice d'études à l'EHESS
  • M. Louis Quéré, Directeur de recherche au CNRS (directeur de thèse)

Présentation de la thèse

Notre thèse montre comment une affaire publique a pris du temps pour se configurer – d’octobre 1999 jusqu’à avril 2000 – ; comment à travers ce temps une description est devenue centrale, certaines catégories se sont développées et un système actanciel s’est stabilisé. Cette description centrale peut être résumé ainsi : l’affaire Paulina est le cas d’une fille au Mexique, laquelle a subi un double viol : le premier, le viol physique, la nuit du 31 juillet 1999 ; le deuxième, la violation de ses droits par diverses autorités publiques de l’État de Baja California qui, à cause de leurs croyances religieuses, lui ont refusé l’avortement légal qu’elle avait demandé.

Dans l’analyse de l’affaire Paulina, nous avons eu recours à la littérature sur les évènements et les affaires publiques développée par plusieurs auteurs qui, autour d’un sujet commun, utilisent des approches ethnométhodologiques, pragmatistes ou phénoménologiques. L’idée centrale est qu’il faut enlever aux événements leur caractère naturel pour se demander comment ils l’ont acquis. Comme le recommande l’ethnométhodologie, il faut prendre l’affaire Paulina en tant que thème et tenter de comprendre comment elle est devenue une ressource pour les membres d’une communauté.

Il nous a aussi semblé important de réfléchir sur la relation qui s’est produite entre le problème public de l’avortement, qui remonte aux années soixante-dix au Mexique, et sa réémergence dans le cadre de cette affaire.

Ainsi, comprendre la manière dont la description d’un événement s’établit et comment le problème public de l’avortement est thématisé dans le cadre de celui-ci sont les deux fils conducteurs de notre analyse.

Notre démonstration est organisée en quatre parties qui comprennent, chacune, deux chapitres. La première partie intitulée « L’avortement en tant que problème public » a pour but d’exposer quels sont les principaux axes du débat sur l’avortement, ainsi que de montrer comment ceux-ci ont été utilisés par les différents acteurs au Mexique. Le premier chapitre vise à établir, d’une manière très générale, quels sont les enjeux centraux lorsque le débat sur l’avortement se déclenche, et quelles sont les principales thématiques abordées. Le deuxième montre comment la thématique de l’avortement a été incorporée dans les lois mexicaines à la fin du XIXe siècle et pourquoi elle est devenue un problème public à partir des années soixante-dix.

La deuxième partie s’intitule « Émergence de l’affaire publique nommée Paulina ». Une fois établis les principaux axes du débat sur l’avortement et la manière dont ceux-ci ont été mobilisés par les différents acteurs au Mexique, nous passons de la thématique générale de l’avortement à un cas particulier. Il est question de montrer comment se sont passés les faits vécus par une jeune fille nommée Paulina del Carmen Ramirez Jacinto depuis la nuit du 31 juillet 1999 au cours de laquelle elle a été victime d’un viol, sa grossesse, conséquence du viol, et sa demande d’un avortement légal, jusqu’au moment où Paulina et sa famille signent un document dans lequel ils renoncent à cette demande. Ceci est l’objet du troisième chapitre. Ensuite, dans le quatrième chapitre, nous montrons comment un événement s’est conformé et quels processus se sont mis en place pour qu’il soit connu et reconnu du public. Nous signalons comment une histoire privée est devenue publique et comment des organisations non gouvernementales d’abord, l’ombudsman de l’État de Baja California ensuite, ont introduit le cas dans tout un argumentaire des droits de l’homme. Après quoi, l’on établi que le cas a acquis la « forme affaire ».

La troisième partie, à laquelle nous avons donné le titre « L’affaire Paulina se situe dans d’autres espaces publics », a pour but d’analyser le rôle de la presse dans le développement de l’affaire et de montrer comment ce fait a contribué à stabiliser une manière de décrire l’événement après une période où plusieurs descriptions étaient en concurrence. Le chapitre cinq cherche à montrer les différentes versions de l’affaire en mettant l’accent sur les propos des acteurs rapportés par les journalistes. Le chapitre six énonce les pratiques utilisées par les journalistes pour contribuer à la configuration de l’affaire. Il ne s’agira pas de reprendre les arguments avancés par les acteurs, mais de montrer les procédures présentes dans la presse écrite qui contribuent à donner un sens à l’événement. Nous exposons ainsi les mécanismes à travers lesquels la presse contribue à établir une description comme centrale et à développer plusieurs catégorisations et un système actanciel.

La quatrième partie s’intitule « L’affaire Paulina : avortement et laïcité de l’État mexicain ». Une fois que le récit s’est stabilisé, qu’il a signifié quelque chose, il a été en mesure d’amener sur la scène publique les débats sur l’avortement. Nous exposons dans le chapitre sept que certains arguments sont plus pertinents que d’autres tandis que le dernier chapitre, le huitième, prétend analyser les usages qui ont été faits de l’affaire. Nous y montrons comment elle a été mobilisée dans d’autres contextes pour fonctionner comme un cas paradigmatique.

Mots-clés

Affaire publique, événement, problème public, catégories, système actanciel, description centrale, avortement, légalité, laïcité.