Soutenance de Geneviève Pruvost

Thèse de doctorat dirigée par Rose Marie Lagrave et soutenue par Geneviève Pruvost le 12 décembre 2005 à l’EHESS.

Titre de la thèse

« Le syndicalisme à l'épreuve de l'altération de la qualité du travail. Analyse de deux sections syndicales de salariés du secteur tertiaire »

Les membres du jury

  • Rose-Marie LAGRAVE, Directeur d’Études à EHESS-CEMS, directrice de thèse
  • Claude DUBAR, Professeur à l’Université de Saint-Quentin en Yvelines, CNRS-PRINTEMPS, président du jury
  • Catherine MARRY, Directeur de recherche, CNRS-LASMAS, rapporteur
  • Dominique MONJARDET, Directeur de recherche, CNRS-CERSA, rapporteur
  • Georges VIGARELLO, Professeur à Paris V et Directeur d’Études à l’EHESS-CETSAH

Présentation de la thèse

De récentes études attestent de l’accès des femmes à des professions jusqu’alors majoritairement masculines. Toutefois, leur accès à la violence légale, dans l’armée et dans la police, ou dans la manipulation des biens du salut, pose la difficile question des effets d’une transgression féminine dans des situations de quasi monopole masculin. L’accès des femmes à la violence légale au titre de fonctionnaire et en temps de paix est un fait anthropologiquement inédit dont on a tenté de mesurer la portée à la fois politique, sociale et professionnelle.

Dans la première partie, à partir d’archives et de témoignages, on s’est tout d’abord intéressé aux débats municipaux, parlementaires, ministériels, médiatiques et policiers qui ont entouré l’octroi progressif des pleins pouvoirs de police aux femmes depuis les années 1930 jusqu’à nos jours. Cette genèse sociohistorique a permis d’inscrire l’intégration lente et progressive des femmes policiers dans l’évolution même des missions assignées à l’institution policière, et de restituer, par delà les divers argumentaires avancés, un consensus autour d’une ouverture prudente, balisée par des quotas restrictifs, sans spécialisation féminine.

Dans la deuxième partie fondée sur une approche interactionniste, on a mis au jour le processus de fabrication des femmes policiers par l’institution policière. La formation républicaine des écoles de police, la promotion interne et la tradition de mobilité constituent un dispositif central permettant d’incorporer les règles et le sens de la hiérarchie, propres à cette profession, permettant aux femmes qui jouent le jeu de la virilisation (partielle ou presque totale) de se faire une place. Toutefois, l’institution policière ne joue pas seule. L’hérédité familiale, le soutien actif des pères, mais surtout le choix d’un conjoint faisant partie de la même « maison » constituent des atouts qui encouragent des vocations très proches de celles des hommes, et permettent de réussir dans sa carrière. Ainsi rares sont les femmes qui entrent dans la police pour exercer un métier policier typiquement féminin. La plupart d’entre elles tendent à aligner leurs projets de carrière sur ceux de leurs homologues masculins de même grade et de même ancienneté, en dépit des obstacles rencontrés.

Mettant à l’épreuve le bien fondé d’une éventuelle pacification des mœurs, on a cherché à saisir dans une dernière partie les limites du permis et de l’interdit en matière d’exercice concret de la violence légale, en recensant les règles professionnelles, les postes, les discours et les pratiques qui instituent et naturalisent une hiérarchie entre les sexes, aussi bien dans l’exercice du travail que dans les activités de coulisses. La division sexuelle du travail policier n’obéit pas au modèle le plus récurent ; il le perturbe en grande partie puisque la hiérarchie commandement/exécution reconfigure une division sexuelle « traditionnelle ». Aussi, est-il plus facile pour une femme d’être acceptée à un poste de commandement que de travailler à des échelons inférieurs. Les brigades d’élite, spécialisées dans l’usage de la violence, restent certes discriminantes, en soumettant les femmes à l’obligation d’excellence, mais les brigades les plus polyvalentes – les Polices Secours, celles qui usent le plus quotidiennement de contrainte physique dans les situations les plus variées, sont en revanche très féminisées. Dans tous les cas de figure, en croisant lectures sociologique et anthropologique, on a mis en évidence les effets de la règle incontournable interdisant aux femmes policiers d’agir seules ou en présence d’autres femmes. Les femmes ont donc accès à la violence légale mais en présence au moins d’un homme.