Soutenance de Laurent Camu

Thèse de doctorat soutenue par Laurent Camus, sous la co-direction de Louis Quéré et Christian Licoppe, le 29 juin 2015, à Telecom ParisTech.

Titre de la thèse

« Réaliser en direct. Une vidéo-ethnographie de la production interactionnelle du match de football depuis la régie »

Les membres du jury

  • Jocelyne Arquembourg (Professeure des Universités, Université Sorbonne-Nouvelle Paris 3, ICM-CIM)
  • Mathias Broth (Professeur, Université de Linköping, IKK)
  • Christian Licoppe (Professeur des Universités, Télécom ParisTech, SES)
  • Cyril Lemieux (Directeur d'Études, EHESS, LIER-IMM)
  • Lorenza Mondada (Professeure ordinaire, Université de Bâle, chaire de Linguistique Générale et de Linguistique Française)
  • Louis Quéré (Directeur de recherche CNRS, CEMS-IMM)
  • Géraldine Rix-Lièvre (Maître de conférence HDR, Université Blaise-Pascal Clermont-Ferrand, ACTÉ)

Résumé de la thèse

Ce travail de thèse est consacré à la réalisation télévisée de matches de football diffusés en direct. Il est le fruit d’un travail d’enquête vidéo-ethnographique mené auprès des équipes techniques de Canal+ durant la diffusion de matches du championnat de France de football.

Plutôt que de s’intéresser au document filmique comme résultat et support d’interprétation, cette thèse adopte le point de vue des techniciens de la régie en proposant une analyse empirique des activités de perception, de filmage et de montage propres à la réalisation de l’événement en direct. Une telle optique, attentive au déroulement de l’action, montre qu’il se produit un ajustement réflexif entre le travail des opérateurs et l’environnement filmé. Elle met donc à mal un schéma selon lequel on distinguerait un événement d’une part, et sa production médiatique de l’autre – schéma qui contribuerait par ailleurs à essentialiser l’événement.

À travers cette enquête sur la réalisation d’un match de football, il s’agit donc ici d’étudier la médiatisation en train de se faire. Par l’analyse vidéo des interactions des techniciens au travail, cette thèse replace le programme télévisé dans son environnement technologique, collaboratif et incarné de production. La perspective praxéologique adoptée ici prend en compte les spécificités de la réalisation en direct. Elle décrit comment émerge l’événement à travers les écrans et les enceintes de la régie et comment les interactions du match sont réflexivement rendues observables par le montage en temps-réel. Les deux temporalités, celle du match de football et celle de l’organisation de l’activité dans la régie, apparaissent ainsi réflexivement mêlées. Un tel travail empirique entend ainsi remettre en cause un double partage généralement effectué dans l’analyse des médias : entre réception et production médiatique d’une part, et entre le cours naturel des choses et leur traitement ou leur reconstruction médiatique de l’autre.

Le programme télévisé y est envisagé comme un compte-rendu du match de football, et des phénomènes sociaux et moraux ordinaires qui s’y déploient. Plutôt que de dénoncer le sport-spectacle comme corrélat de la diffusion télévisuelle du sport (importance de la mise en récit, massification des données et intensification de l’accélération), il propose une analyse empirique des dynamiques endogènes à la structuration de l’activité des techniciens qui participent aux transformations récentes de l’événement sportif.

La thèse s’articule autour de chapitres analytiques qui traitent de problèmes structurels (l’entrée dans le match, le lancement des ralentis, et la tension entre la captation du direct et la diffusion d’un ralenti) en élaborant des réflexions plus globales sur les phénomènes caractéristiques du maintien et de la constitution de l’ordre social, indépendants du cadre du jeu sportif dans lequel ils s’expriment. Parmi ceux-ci, la manière dont peuvent se donner à voir les liens entre ordre séquentiel et normativité ; la question de l’accountability des jugements moraux, et donc celle nécessairement liée de cognition en action.