Soutenance de thèse de Camille Girard Chanudet

Camille Girard Chanudet a soutenu sa thèse intitulée

La justice algorithmique en chantier. Sociologie du travail et des infrastructures de l'Intelligence Artificielle,

et préparée sous la co-direction de Valérie Beaudouin et Nicolas Dodier, le 4 décembre 2023, à l’EHESS, devant un jury composé de :

  • Valérie Beaudouin, CEMS, EHESS, directrice
  • Jérôme Denis, Mines-PSL, rapporteur
  • Nicolas Dodier, CEMS, EHESS, directeur
  • Francesca Musiani, CIS, CNRS
  • Gwenaële Rot, CSO, Sciences Po, rapporteure
  • Laurent Willemez, Printemps, USVQ

Résumé de la thèse

Autour de 2016 apparaissent, en France, les premiers algorithmes d’apprentissage automatique orientés vers le traitement des décisions de justice mises en open data. À partir d’une enquête empirique alliant ethnographies, entretiens et analyse de matériau documentaire, cette recherche entre dans les coulisses du chantier de l’intelligence artificielle (IA) juridique, pour mieux analyser les ressorts et implications sociales du développement de ces outils fortement controversés. Elle suit d’abord la trajectoire de ces objets techniques, ainsi que des représentations et tensions qui les accompagnent, depuis le monde de l’entreprenariat numérique jusqu’aux portes des tribunaux ; elle met en évidence, ce faisant, les requalifications successives du « concept-frontière » d’IA, qui agrège autour de lui, en fonction des sens et des finalités qui y sont associés, des configurations plurielles d’acteurs. La thèse plonge ensuite dans les infrastructures informationnelles qui constituent le cœur du dispositif de l’IA juridique : elle s’intéresse aux données qui servent de fondement aux algorithmes d’apprentissage automatique et aux processus de requalification, centralisation, formatage et mise en circulation auxquels elles sont soumises pour permettre l’entrainement des modèles. La thèse documente enfin le travail de conception l’IA, à partir d’une ethnographie conduite au sein d’une équipe pluridisciplinaire constituée à la Cour de Cassation : elle montre la façon dont les activités de traduction, d’articulation, de négociation et les choix opérés par des acteurs aux expertises hétérogènes façonnent progressivement le dispositif algorithmique. À chaque niveau, cette recherche met en évidence la dimension intrinsèquement sociale de l’IA. Elle souligne les processus d’hybridation d’expertises techno-juridiques se produisant au contact de l’IA, qui contribuent à renforcer des lignes de fracture au sein des mondes traditionnels du droit, entre élites et professionnel·les de terrain.