Soutenance de thèse de Juliette Marin

Juliette Marin a soutenu sa thèse de doctorat intitulée

Au nom de la résilience. Discours, instruments et actions dans trois territoires du contexte andin,

et préparée sous la co-direction de Eve Chiapello et Enrique Aliste, le 7 décembre 2023, à l’EHESS, devant un jury composé de :

  • Enrique Aliste, Professeur  à  l’Université du Chili (co-directeur de thèse)
  • Ève Chiapello, Directrice d’études à l’EHESS (co-directrice de thèse)
  • Paola Jirón, Professeure à l’Université du Chili 
  • Sandrine Revet, Directrice de recherche, Sciences Po (rapportrice)
  • Manuel Tironi, Professeur à la Pontífica Universidad Católica de Chile (rapporteur)
  • Sébastien Velut, Professeur à l’Institut des Hautes Études de l’Amérique Latine

Résumé de la thèse

Que fait la résilience aux territoires ? Telle est la question à laquelle répond cette thèse interdisciplinaire. J’interroge ainsi ce produit cet objet conceptuel ambigu, flou, diffus et massivement utilisé qu'est la résilience dans trois territoires du contexte andin. En vogue depuis plus de trois décennies, la résilience est devenue une bannière dont l'usage s'est répandu dans divers domaines de la technologie, de la politique et de la connaissance. Entre dispositif de gouvernementalité néolibérale globale et des projets dont les impacts locaux sont difficiles à évaluer, l'agentivité de la résilience est en question. Les annonces de grands programmes et réseaux dotés de financements importants pour la mise en œuvre instrumentale et pratique de la résilience dans les années 2010 se sont accompagnées de critiques sur l'absence de réelle performativité d'un concept magique et post-politique. Une décennie plus tard, on constate un redéploiement de la résilience suite à la pandémie de COVID-19 et la durabilité d’assemblages de résilience dans de nombreux territoires. A travers l'analyse de documents, d'entretiens et d'observations dans des réseaux professionnels et des événements promouvant la résilience, la stratégie méthodologique de ce travail est interdisciplinaire, multi-située et s'appuie sur trois cas du contexte andin : Santiago du Chili, Manizales en Colombie et la région d’Aysen dans la Patagonie chilienne. Le principal argument défendu par la thèse est que la résilience n'est pas monolithique et que sa capacité d’agir dans les territoires est différente de ce que prétendent ses promoteur·rice·s. Ainsi, je montre qu’il s’agit d’un objet à la fois global et inscrit, dont la territorialisation dépend de configurations préexistantes (telles que la territorialité des catastrophes, les relations de gouvernance territoriale, les représentations sociales) et de conditions de circulation (telles que le positionnement des acteurs, leur capacité à aligner des intérêts, les fonds associés, les outils créés). Les assemblages constitués au nom de la résilience peuvent donc ne pas réussir leur inscription territoriale. Ils nécessitent de créer des liens entre un concept magique de résilience et les territoires qu’ils visent. Des assemblages socio-techniques ambigus sont alors produits, qui déterritorialisent la résilience, créent un petit monde d'expert·e·s et mettent en circulation des solutions et des projets déjà existants. Ils produisent également des changements dans la gouvernance des territoires qui reflètent le renforcement d'un ensemble de représentations hégémoniques et le développement de techniques de coaching des territoires. La principale contribution de la thèse est de montrer la capacité d’agir de la résilience à partir de processus lents et diffus de dé·territorialisation, au-delà des études sur la résilience comme discours. Deux autres apports peuvent être soulignés : l’analyse des opérations et défis que pose la technification d’objets globaux et ambigus ; la proposition d’une marchandisation et de structuration de la pratique professionnelle de la résilience urbaine sous la forme d’un coaching territorial.