Soutenance de thèse de Nathanaelle Soler
Nathanaelle Soler a soutenu sa thèse intitulée
Anthropologie politique de la santé mentale à Lifou (Nouvelle-Calédonie)
et préparée sous la direction de Michel Naepels,
le 4 décembre 2019, à l'EHESS, devant un jury composé de:
- Laëtitia Atlani-Duault, Directrice de recherche, Institut de Recherche pour le Développement (rapporteure)
- Natacha Gagné, Professeure, Université Laval
- Katie Kilroy-Marac, Professeure associée, University of Toronto (rapporteure)
- Michel Naepels, Directeur d’étude, EHESS (directeur de thèse)
- Benoît Trépied, Chargé de recherche, CNRS
Résumé de la thèse
A partir des représentations, itinéraires thérapeutiques, pratiques de soins et discours qui encadrent les troubles mentaux sur l’île de Lifou, cette thèse explore la reconfiguration de l’intervention psychiatrique dans le contexte de la décolonisation de la Nouvelle-Calédonie. Avec l’autonomisation croissante des compétences calédoniennes, comment s’ouvrent et se modifient des dispositifs de soin fortement marqués par le legs colonial ? Comment l’expérience subjective de la maladie mentale et de son soin s’en voient bouleversées ?
L’enquête menée sur quatorze mois a croisé les entrées et les angles ethnographiques – espaces familiaux et espaces institutionnels du soin, espace villageois de Lifou et espace urbain de Nouméa, récits des malades et de leurs familles, mais aussi de guérisseuses, chefs coutumiers, pasteurs, infirmiers, psychologues, psychiatres. L’observation participante dans une structure de pédopsychiatrie décentralisée sur l’île de Lifou m’a permis d’analyser comment se combinaient les modes de résolution et les registres discursifs européens et kanaks portant sur la santé mentale dans le contexte d’un changement des techniques de gouvernementalité. A partir de quelques études de cas, j’expose dans ma thèse les itinéraires thérapeutiques entre ces différents espaces et je décris l’expérience subjective de la maladie mentale ainsi que la façon dont les familles négocient le soin dans les nouveaux dispositifs. En outre, pour mieux comprendre ces dispositifs, je retrace l’histoire de la psychiatrie coloniale et de la santé mentale en Nouvelle-Calédonie – d’une psychiatrie asilaire pensée dans les murs de la colonie pénitentiaire à son ouverture vers des structures décentralisées visant à prendre en charge les maux de la souffrance sociale.
Ainsi se déploient les différentes dimensions d’un espace politique de la santé mentale, de l’expérience subjective de la maladie jusqu’au pouvoir thérapeutique, aux dispositifs et aux acteurs socio-sanitaires. Cette thèse montre comment cet espace est traversé par la tension entre une éthique de la relationnalité qui traverse le monde social kanak, les techniques de discipline portées par l’histoire colonale et les reconfigurations institutionnelles ainsi que l’économie néolibérale du contexte postcolonial.
Mots-clés : anthropologie politique, anthropologie de la santé, ethnographie, Nouvelle-Calédonie, Lifou, histoire de la psychiatrie coloniale, santé mentale, gouvernementalité, autochtonie, subjectivité, relationnalité, violence coloniale, pouvoir thérapeutique.
https://www.academia.edu/41118546/R%C3%A9sum%C3%A9_de_la_th%C3%A8se_2019_