Type et date de soutenanceSoutenance de thèse

Les "cités" de Montrimond et ses "bandes de jeunes". Ethnographie des relations d'amitié, de complicité et d'inimitié dans la proche banlieue parisienne (1970-2015).

Kamel Boukir

Résumé, À Montrimond certains jeunes sont connus pour squatter les halls et les places publiques. Ce sont les « mecs de cité ». Dans cette banlieue parisienne, ces jeunes résident dans les deux « quartiers sensibles », le Belvédère et le Val. Fruit d’une enquête ethnographique conduite au sein de la famille Aïth Ali pendant plus de six ans, cette thèse décrit l’expérience de cette affiliation juvénile depuis la perspective des jeunes, à hauteur de ce qui suscite leurs passions et leurs haines. Qu’est-ce que signifie au quotidien d’« être un mec de cité » ? Quelles pratiques soutiennent ce sentiment d’appartenance ? Quels liens font tenir cette collectivité juvénile de pied d’immeuble ? Une partie liminaire examine sur le plan historique l’émergence de ces « quartiers sensibles ». Elle montre les raisons pour lesquelles certains jeunes incarnent au tournant des années 1960 et 1970 une angoisse sociale particulière : la disparition du « vieux Montrimond ». Face à ces nouveaux venus perçus comme des outsiders, les Montriots des « origines » se sentent menacés. En creux, les jeunes de cités deviennent alors responsables de ce monde qui s’en va. Face à cette légende des origines, les jeunes de cité se taillent un autre récit de fondation pour inscrire leur biographie dans cette histoire urbaine. Être un « mec de cité » c’est s’identifier à un ordre temporel grâce auquel chacun trouve sa place, celle d’« ancien », de « grand » ou de « petit ». Cet ordre générationnel fournit un cadre narratif sur lequel s’appuyer pour donner du sens à sa vie. On peut alors dire qu’on est un « mec » d’ici, du « quartier » ou de la « cité ». Puis, l’enquête décrit les réseaux d’amitié au sein desquels prennent forme ces rassemblements de jeunes. Elle suit plusieurs fratries depuis leur prime enfance, leur passage des bacs à sable à l’école primaire et secondaire, et en parallèle, les institutions municipales de délégation éducative, comme les MJC, les clubs de sport et les centres de loisirs. Une société juvénile, avec ses propres standards moraux, se développe dans les réseaux de relations qui lient ces trajectoires de socialisation. Véritable pierre de touche sur laquelle s’échafaude tout un univers éthique, cet entre-soi juvénile s’organise autour de trois figures relationnelles : l’ami, le complice et l’ennemi. Une question se pose alors : qu’advient-il de la moralité ordinaire qui lie ces amis d’enfance quand ils deviennent complices dans la délinquance ou le crime (deal de stupéfiants, vols, braquages, etc.) ? La hantise de la déloyauté, de l’arnaque et de la délation sape le ressort sur lequel reposait la certitude de la bonne foi d’autrui, sa sincérité. Ce contexte de vulnérabilité affective et éthique place les complices dans un cercle vicieux où les intentions de leurs proches souffrent d’une double lecture. Face à l’indétermination du futur, l’angoisse de la trahison poussera les plus déterminés à anticiper les mauvais coups et à céder à la violence. L’enquête sondera alors les ressorts psychosociologiques du passage à l’acte ainsi que les conditions d’exercice du jugement moral face à la violence., Jury,

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  • M. Daniel Cefaï (Directeur de thèse), EHESS
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  • M. Sébastien Chauvin, Université de Lausanne (Suisse)
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  • Mme Caroline de Saint-Pierre, Ecole nationale supérieure d’architecture de Paris Malaquais
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  • Mme Alice Goffman, University of Wisconsin–Madison
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  • M. Fabien Jobard, CNRS
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  • M. Alain Mahé, EHESS
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